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devenir ce grain de sable, lorsqu’il est taillé par un homme de génie. Je donnerais bien volontiers dix partitions italiennes et tous les opéras français pour cette simple note qui ramène le chant dans cette phrase, pour ce la bémol, diamant céleste qui rattache le tissu prêt à tomber de la sainte mélodie.

Tous jurent sur l’autel hommage et fidélité ; la reine proclame son jeune époux, et, tandis que ses rivaux s’offensent de son choix, et que le grand-prêtre indigné se retire, du fond de l’orchestre s’élèvent tout à coup les plaintes et les gémissemens de Ninus. Dès que l’ombre a cessé de parler, la musique redevient impétueuse, elle éclate en même temps que les passions que l’épouvante avait fait taire, et la toile tombe sur une conclusion pleine de véhémence et d’entraînement. Tel est ce finale ; composition sévère et grandiose, que nul motif parasite ne vient troubler en son développement simple et majestueux. Au second acte, l’andante du duo entre Assur et Sémiramis est un chef-d’œuvre d’expression dramatique ; après l’immortel duo de l’Olimpiade, je ne sais rien de plus admirable dans ce genre. La grande scène d’Assur est d’un beau caractère ; malheureusement elle se termine par un air de bravoure, et le public est ainsi fait, qu’il demeure insensible au chant large et pathétique, et ne commence à s’émouvoir que vers la fin, lorsque Tamburini se lève pour entonner la plus vulgaire cabalette qui se puisse imaginer. L’exécution de Sémiramide est digne en tout point du Théâtre Italien.

La voix de contralto devient de plus en plus rare ; les compositeurs l’ont abandonnée sans renoncer toutefois à cette coutume italienne, de faire chanter des rôles d’hommes par des femmes : ils écrivent aujourd’hui la partie de Roméo pour le soprano, voix plus estimée, à juste titre, à cause de la sonorité de son timbre et de l’éclat de ses vibrations, mais qui ne peut nullement remplacer l’autre, dont les sons graves font un si grand effet dans les ensembles d’un finale. De cette sorte, plusieurs ouvrages importans, dans lesquels ce genre de voix est employé, sont maintenant d’une exécution très difficile. Depuis le départ de Mme Pasta et Malibran, Tancredi, la Donna del Lago ont disparu du répertoire, et voilà deux ans que nous n’avions entendu Sémiramis, faute d’un Arsace. Mlle Brambilla nous rendait le chef-d’œuvre de Rossini, et cela seul suffisait pour la mettre en faveur auprès du public, qui l’a reçue avec un empressement bien rare au Théâtre-Italien, en l’applaudissant avant qu’elle eût chanté. Mlle Brambilla dit son premier récitatif avec assurance et largeur ; elle est moins heureuse dans la cavatine qui le suit, ainsi que dans la strette du finale, où sa voix manque de vigueur et tend sans cesse à ralentir le mouvement. Le succès de Mlle Brambilla s’est affermi au