les ames molles et assouplies, il ne faut point raisonner d’après les principes généraux de la morale et du patriotisme sévère ; toutefois, il est une manière de voir les questions que les roués eux-mêmes ne désavouent pas : j’entends parler de l’utilité et de la portée pratique d’une résolution prise, et je demande si la cour des pairs a atteint le but qu’elle se proposait ? Sa considération était attaquée ; est-elle bien relevée depuis la condamnation ? On voulait infliger une peine, c’est-à-dire inspirer, par la crainte du châtiment, plus de respect pour la cour des pairs, et l’arrêt exorbitant qu’on a prononcé est-il un véritable châtiment ? Les 10,000 francs d’amende seront couverts par les souscriptions ; la prison ? les victimes y sont habituées, et on se fait gloire aujourd’hui de cette petite persécution qui vous réunit à des compagnons d’infortune et d’opinion.
Il faut avoir bien peu de prévoyance pour s’exposer à tous les accidens qui ont marqué la durée de ce procès, et le tout pour un si misérable résultat. Les corps politiques qui voient loin et haut les questions sociales, grandissent seuls leur réputation : le procès du maréchal Ney était une chose odieuse ; les pairs le savaient, et comment de gaieté de cœur réveiller de tels souvenirs, et les jeter en pâture à l’opinion irritée : Je ne puis même m’expliquer comment des hommes tant soit peu habitués aux idées sérieuses de gouvernement et de politique ont pu se tromper à ce point.
Voyez que de fautes commises les unes sur les autres ! On autorise M. Carrel à venir défendre son ami, et quand M. Carrel remplit son mandat avec chaleur et conviction, on l’interrompt. M. Pasquier savait que la chambre, modifiée depuis la révolution de juillet, ne pouvait être tout entière solidaire de ce qui s’était passé à une époque réactionnaire : il veut la rendre complice par ses paroles peu réfléchies ; et lorsque le général Excelmans proteste énergiquement contre les interpellations de M. Pasquier, voilà le président qui se tait, qui n’ose rappeler à l’ordre l’interrupteur, et qui, après avoir manqué à ce qu’il devait à une portion de la chambre, manque aussi à sa fermeté de président.
En politique, il faut laisser dormir les souvenirs, surtout lorsqu’ils compromettent le présent. Ce n’était pas la première fois que le National avait soulevé la tombe sanglante du maréchal Ney ; il y avait eu requête de la famille ; M. Dupin, le président de la chambre élective, avait pris sous son patronage le procès en révision ; la chambre des pairs s’était tue, et elle avait bien fait. La voilà maintenant qu’elle sent réveiller ses susceptibilités à l’occasion d’un article de journal ; je le dis ici hautement, la majorité a agi à l’étourdie ; elle a cru plaire au pouvoir, à ce système de résistance et de force que le ministère parodie, et auquel il veut asso-