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REVUE. — CHRONIQUE.

communale, dans laquelle M. Thiers a été peut-être au-dessous de M. de Montlosier, et c’est beaucoup dire. De cette discussion il ne résultera rien ; le rapport de M. Mounier, volumineuse collection des idées de l’empire, restera seul comme un monument d’études et de connaissances parlementaires ; on ne fait pas des communes ; elles se font toutes seules ; le sol et les populations en sont les élémens. C’est pourquoi une loi sur les communes est chose si difficile ; c’est soumettre la nature aux formules de la loi ; le législateur y a souvent échoué !

D’ailleurs qu’est-ce qu’une discussion législative aussi indifférente en face du procès tout vivant et tout politique qui s’apprête ? Mémoires, rapports, tout a été inutile, le procès doit se faire et il se fera ; depuis quinze jours, tout est mis en œuvre pour faire arriver à Paris, non-seulement les prisonniers, mais les pairs de France, plus cruellement tourmentés que les accusés eux-mêmes, car on les soumet à la torture de leurs infirmités, de leur âge et de leurs souvenirs. On commencera les débats avec un nombre suffisant, mais ce nombre ira successivement en s’affaiblissant ; la saison sera belle, mais les pairs sont bien vieux, et les consciences bien tourmentées ! Qu’on ne parle plus d’amnistie ! L’amnistie est impossible, la procédure est trop engagée, et le gouvernement trop fier de se montrer implacable ; on veut un jugement : n’y aurait-il que vingt pairs pour juger, il le faut. Ces malheureux prisonniers que l’on conduit à Paris de tous les points de la France, se verront engagés dans un débat qui heureusement sera protégé par la plus grande publicité ; nous saurons l’histoire individuelle de tous ces jeunes hommes qui ont rêvé la liberté avec frénésie ; nous les verrons avec leurs passions de feu, leur brûlante énergie, en présence d’un pouvoir caduc et arriéré. La clémence, ils n’en veulent pas ; la justice, ils récusent les juges ; ils veulent montrer que la violence seule les jette sur les bancs d’une cour exceptionnelle : il faut que le gouvernement soit bien aveugle pour ne point voir que toutes ces rigueurs aboutissent à un grand scandale, et que la force d’un gouvernement ne consiste pas à toujours frapper, mais à se mettre au-dessus de ces terreurs vulgaires qui saisissent et effraient les petites ames. Il faut le dire, on a peur de ces jeunes gens ulcérés par tant de persécutions ; la police fait croire à de sinistres projets, et si M. Thiers osait dire tout ce qu’il pense, il trouverait dans l’histoire de la révolution deux précédens à invoquer : la sentence du directoire contre Babeuf, la sentence du consulat contre Arena et Ceruti !

Poursuivre, c’est le mot d’ordre du gouvernement d’aujourd’hui. La presse est accablée d’amendes ; la confiscation se rétablit sous un nom déguisé, et le gouvernement croit par là éteindre la presse comme il s’imagine proscrire les idées généreuses. Mais ces idées survivront, et la presse