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DE L’ÉCOLE FRANÇAISE.

tôme du peintre des Pestiférés de Jaffa. Pour nous, nous ne saisissons aucune différence entre ce peintre, pris dans le sens restreint et matériel de la peinture, et l’auteur du Diomède. S’il existe une différence, elle est à l’avantage du dernier ; jamais le pinceau de M. Gros ne s’est montré ni plus habile, ni plus brillant. Il y a dans les pectoraux du Diomède, dans ses rotules, une puissance de main à confondre l’imagination ; les membres de la Galatée sont modelés dans le clair avec une finesse et une confiance dont aucun peintre vivant n’est capable. Voilà certainement ce que l’exécution, mais l’exécution d’atelier, entendons-nous bien, a jamais pu produire de plus étourdissant. Au-dessous du Diomède on voit le groupe de Françoise de Rimini et de son amant, de M. Scheffer. Selon l’esprit de l’atelier, ce sont deux figures plates et pauvrement rendues ; le pinceau s’y montre à la fois pesant et timide ; et pourtant, mettez de côté le choix du sujet, la convenance de la composition, la justesse de l’expression, toutes choses pour lesquelles M. Gros ne peut plus entrer en parallèle avec personne, le groupe de la Françoise vous paraîtra justement beaucoup plus mal exécuté, mais beaucoup mieux rendu que celui du Diomède.

L’école a donc compris qu’on se perdait à vouloir exécuter, qu’on marchait sans cesse en avant en cherchant à rendre. Avec une telle conviction, on se défie de sa main ; on n’a confiance qu’en la nature ; on s’aperçoit que cette nature n’est accessible à l’art qu’autant qu’on l’embrasse dans son unité, qu’on reporte sur la toile une contre-épreuve aussi une que la nature elle-même. Les lois de l’unité sont dans l’ensemble des proportions, dans la pondération des mouvemens, dans l’harmonie de la lumière, dans l’accord de l’intention morale avec l’action extérieure. Maintenant, si vous voulez être peintre, il est bon sans doute que vous orniez votre esprit de toute espèce de littérature ; que vous évoquiez les âges écoulés avec leur caractère et leur esprit, que vous cherchiez à ravir notre ame dans les audaces du dithyrambe, ou à la plonger dans les délices de la volupté. Mais, pour l’amour de Dieu, commencez à mettre une tête ensemble, le nez au milieu du visage, et les deux yeux à leur place, c’est là le point essentiel. Je n’oublierai jamais ce que me racontait un jour un grand peintre de portraits : « Je me suis exténué, disait-il, à chercher l’expression de la physionomie