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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/206

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REVUE DES DEUX MONDES.

satisfaisant, quoique presque négatif, ait pu sortir du mode détestable, et nous l’espérons, à tout jamais abandonné, des concours. M. Gigoux n’est pas un artiste négatif, tant s’en faut ! c’est encore un de ces hommes dont la marche nous échappe, et dont les progrès nous confondent. Depuis que M. Gigoux expose, nous avons vainement cherché à découvrir une qualité vraie chez ce peintre, notre espérance a toujours été déçue, et pourtant M. Gigoux a marché. Aujourd’hui la Communion de Léonard de Vinci nous démontre que personne n’est plus en état que M. Gigoux de conduire à bien et sans embarras une vaste machine pittoresque. Ce point accordé, il est inutile, je pense, de relever le dessin maniéré et souvent grotesque de M. Gigoux, le galbe pesant de ses figures, le lazzi constant de l’expression. Un seul reproche domine ici tous les autres, et condamne le tableau. Je ne blâme pas seulement M. Gigoux d’avoir traité ce sujet dans une manière antipathique à celle de Léonard ; à mon sens, M. Gigoux devait choisir un saint dans sa religion, peindre la mort du Josépin ou l’apothéose de Piètre de Cortone. C’est l’inconvenance radicale de la conception que j’attaque ; cette inconvenance me semble effacer tout le mérite qu’on peut reconnaître à l’exécution. Quoi ! l’histoire vous dit que Léonard a voulu, par respect, recevoir le saint sacrement hors de son lit, et vous me montrez un vieillard à moitié nu, que deux portefaix (dont l’un se nomme François Ier) traînent à bas de son lit comme s’ils voulaient le jeter à la porte ! J’engage ceux qui seraient tentés d’admirer le tableau de M. Gigoux à relire attentivement cette phrase de Vitruve : « Pour moi, je crois que l’on ne doit point estimer la peinture si elle ne représente pas la vérité ; ce n’est pas assez que les choses soient bien peintes, il faut aussi que le dessin soit raisonnable, et qu’il n’y ait rien qui choque le bon sens. »

v.

Ce n’est pas ma faute si les sculpteurs contribuent eux-mêmes à diminuer l’importance que leurs travaux devraient avoir dans l’opinion. Jamais l’exposition de la statuaire n’a été si pauvre, jamais les hommes de quelque valeur n’ont paru mieux s’entendre