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CONTEMPLATION.

À tous leurs souvenirs d’associer le tien.
J’aime que ce soit là, dans ces monts solitaires,
Où pensait un Pascal, où brûlaient cent cratères,
J’aime que ce soit là que ta main ait planté
Ton arbre de savoir et d’immortalité.
Et je vois s’inclinant l’arbre dont, sur son âge,
Bacon, pour l’avenir, dressa le vaste ombrage,
Que le flot du savoir, qui débordait toujours,
Fit tomber de la rive et roulait dans son cours,
Et que, pour étayer notre encyclopédie,
Releva d’Alembert sur sa base agrandie ;
Je le vois saluer l’arbre plus fortuné
Que mon glorieux père à mon siècle a donné.

Moi, ton fils, que berça d’abord ta voix savante,
Que t’enleva trop tôt la Muse décevante ;
Mais qui gardai toujours en mon ame imprimé
Le culte du Savoir pour qui tu m’as formé,
J’ai roulé quelquefois parmi mes mille rêves,
Nombreux comme les flots qui brisent sur les grèves,
Oui, j’ai roulé ce songe en moi, de refléter
Le monde du savoir, et de l’oser chanter ;
D’oser faire à notre âge ouïr la mélodie
D’une Muse inconnue, à la bouche hardie,
Au vol majestueux planant sur l’univers,
De qui la forte voix soufflerait en mes vers
Non d’un passé détruit la tradition morte,
Vaine ombre que du temps l’aile rapide emporte,
Non les songes déjà vieillis du genre humain,
Songes de trois mille ans qui pâliront demain,
Mais les choses et l’homme, et le monde et la vie,
Éclairés des splendeurs de la philosophie ;
Mais nous et notre foi, nous, notre vérité,
Nos symboles de Dieu : nature ! humanité !
Alors les temps, les lieux, les êtres et les mondes,
Flottant dans l’infini comme des mers profondes,
En gigantesques flots rouleraient sous mes pas ;