rameaux fleurissent et bourgeonnent, l’arbre sonore et mélodieux se dépouille, et chaque jour une dernière feuille en tombe. Le Conservatoire est à la veille de sa clôture. Depuis quelques jours la salle de Cimarosa et de Rossini est silencieuse et déserte ; le sanctuaire de Beethoven n’a plus qu’une fois à retentir. À l’une des dernières séances du Conservatoire, nous avons entendu, grâce à Mlle Falcon, une scène encore inconnue en France de ce maître. On sait avec quel sentiment de mélancolie et d’amour, avec quelle émotion sereine et confiante, le public intelligent recueille tout ce qui lui vient de Beethoven ; c’est alors qu’on est bien-heureux d’ignorer et d’avoir dans le champ une petite fleur à ramasser encore, et dans le ciel une étoile à découvrir. Vraiment ce serait une bonne déesse, celle qui se tiendrait assiduement auprès des artistes doués, leur enlevant çà et là quelqu’une de leurs mélodieuses inspirations pour en faire part à l’avenir, et entretenir dans l’humanité l’éternelle pensée et l’éternel regret de ces anges de Dieu. Quelles bénédictions manqueraient à celle qui laisserait tomber sur la terre une esquisse de Raphaël, un sonnet inédit de Pétrarque à Laure ! Aussi ce jour-là, lorsque Mlle Falcon eut paru tenant entre ses mains les feuillets mystérieux du chant de Beethoven, la salle entière frémissait de plaisir, et chacun louait dans son ame les studieuses recherches et le zèle accompli de la jeune cantatrice, avant d’applaudir sa voix éclatante et son admirable expression. On la remerciait d’abord ; les applaudissemens sont venus ensuite.
La scène qui nous occupe ne porte aucune désignation spéciale ; Beethoven en a pris le titre dans les premiers mots du texte italien ; il aurait pu tout aussi bien l’appeler cantate en mi bémol du nom de la note qui en règle la tonalité, comme il a fait d’ailleurs pour le plus grand nombre de ses symphonies. En général, Beethoven s’est toujours médiocrement soucié de ses titres, il avait d’autres soins à prendre, et savait bien que du creuset profond où l’œuvre s’élabore, le nom monte comme une écume. De notre temps on a changé de façon d’agir ; autrefois on allait de l’œuvre au titre, maintenant on trouve plus facile d’aller du titre à l’œuvre. Pour de petites choses on invente de grands noms. Le style de cette cantate est grandiose et solennel, plein de noblesse à la fois et de simplicité ; ce n’est plus, comme dans Adélaïde, une forme indécise et vague qui flotte dans les airs, et va au hasard où la chasse le vent. Ici tout et logique, prompt, étroitement lié ; plus de contemplation oisive, plus de causerie au bord du pré, plus de fleur qu’on effeuille en murmurant un nom chéri ; mais une action véhémente qui naît, se développe et se conclut sous une même loi. L’unité remplace la fantaisie.
Autant Adélaïde révélait cette source de mélancolie et de tristesse qui