Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/303

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
297
POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

Racine ; elles immortalisèrent plusieurs vers où elles se trouvaient. Des critiques (et elles sont imprimées) accusaient Boileau de ne pas écrire en français ! Le génie fait sa langue… Qui ne sait que par Ennius et Lucrèce on attaquait Horace et Virgile ? Leur latin était inconnu la veille du jour où ils parurent. On aurait à dire, comme de coutume, que cette remarque ouvre la porte au mauvais goût, si elle pouvait lui être fermée. » Ces citations ne font-elles pas entrevoir comment les hommes du mouvement politique et républicain étaient conduits peu à peu à devenir les organes du mouvement littéraire, si le développement spontané qui se faisait en eux n’avait été brisé avec toutes leurs espérances par les secousses despotiques qui suivirent ?

Dans la Bibliothèque universelle et historique de Leclerc, année 1687, à propos des Remarques de Vaugelas, on trouve (car ces querelles du jour sont de tous les temps) une protestation savante et judicieuse d’un anonyme contre les réglemens rigoureux imposés à la phrase, contre ces restrictions de la métaphore auxquelles on avait prêté force de loi. Les esprits libres en littérature liront avec une agréable surprise ce morceau, comme on aime à retrouver quelque idée de 89 dans Fénelon.

J’ai plaisir en ce moment, je l’avoue, à pouvoir répondre avec des phrases qui ne sont pas de moi à ce qui me semble peu ouvert et peu étendu dans les théories littéraires formelles, acceptées par plusieurs de nos hardis politiques, et remaniées par quelques jeunes critiques déjà opiniâtres. Les défenseurs d’un goût exclusif et d’une langue fixe jouent exactement en littérature un rôle de tories ; ils sont pour une cause qui se perd journellement. Ils font métier d’arrêter, de maintenir ; à la bonne heure ! Après chaque poussée en avant, où un talent se fait jour de vive force, ils veulent clôre, ils relèvent vite une barrière que de nouveaux talens forceront bientôt. Ils niaient (eux ou leurs pères), ils niaient Mme de Staël et M. de Châteaubriand il y a trente ans, et M. de Lamartine il y en a quinze ; ils les subissent, ils s’en emparent, ils s’en font une arme contre les survenans, aujourd’hui. C’est là un rôle qui peut avoir son utilité et son mérite, tout talent ayant besoin en son temps d’être éprouvé et de faire sa quarantaine ; mais il ne faut, convenons-en, pour ce rôle d’officiers de la quarantaine littéraire, qu’une