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AU-DELÀ DU RHIN.

aussi ne seraient-ils pas tous soldats de plein droit, par droit de naissance et de courage ? Qui mieux que l’enfant de la France aime les armes et les jeux de la guerre ? Voulons-nous être invincibles contre l’Europe, bannissons de nos lois l’injurieuse loterie de la conscription, qui semble faire du service militaire une disgrâce ; ayons, comme la Prusse, l’égalité devant les armes ; qu’à vingt ans, tout Français connaisse l’épée, le cheval et le canon ; soyons soldats pendant ces belles années de la jeunesse, où la vie, dans ses impétueux élans, appelle l’homme à tout embrasser et à tout conquérir. Il n’est pas de hordes si épaisses qui ne reculent devant la France en armes, comme les Troyens devant la poitrine nue d’Achille.

Une des faiblesses de la Prusse est la pauvreté de ses finances ; aussi l’économie de l’administration est aussi sévère que la discipline de l’armée. Les charges de l’état sont immenses. La monarchie, dont la composition est récente, s’est trouvée depuis dix-neuf ans dans la condition d’un ménage nouveau qui s’organise : elle est obligée de faire face en même temps aux dépenses les plus diverses ; ainsi l’université de Bonn a dû être établie avec une rapidité dispendieuse. Il a fallu donner à Berlin la magnificence convenable à la capitale d’un grand empire ; et le rideau de baïonnettes toujours tendu devant l’Europe cache quelquefois l’épuisement sous les apparences de la force.

Sans marine, sans colonies[1], la Prusse a imaginé d’envelopper l’Allemagne dans une vaste association de douanes qui, sous le prétexte de l’unité, mette en sa main la circulation des produits du commerce, de l’industrie et de l’agriculture. Elle a presque tout envahi ; elle poursuit avec persévérance auprès des états dissidens les accessions qui lui manquent ; elle demande même à l’Angleterre son consentement pour le Hanovre, au Danemarck pour le Holstein.

Quand le cabinet de Berlin eut commencé de concevoir sa ligue commerciale, il joua l’Autriche avec un art infini : M. de Metter-

  1. Le prince Puckler-Muskau demande pourquoi la Prusse n’aurait pas de colonies, dans les mers de Chine, par exemple : il lui désire aussi un Botany-Bay. Tutti frutti, t. i, pag. 198-199, Stuttgardt, 1834.