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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/62

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REVUE DES DEUX MONDES.

m’as toujours soutenu le contraire quand je t’ai plaisantée sur lui. Tu te plains de n’avoir pas ma confiance ; que dirai-je de la tienne, menteuse ?

Henriette rougit, puis reprenant courage : Eh bien ! c’est vrai, dit-elle, j’ai eu tort aussi ; mais le fait est qu’il m’aimait à la folie il n’y a pas long-temps, et malgré toute ma prudence, il s’y est pris si habilement, le sournois ! qu’il a réussi à se faire aimer. Eh bien ! le voilà qui pense à une autre. Le scélérat ! depuis cette maudite promenade que vous avez faite ensemble au clair de la lune pour aller voir André qui se mourait, M. Joseph n’a plus la tête à lui : il ne parle que de toi, il ne rêve qu’à toi ; il ne trouve plus rien d’aimable en moi. Si je crie à la vue d’une souris ou d’une araignée : « Ah ! dit-il, Geneviève n’a peur de rien : c’est un petit dragon ; » si je me mets en colère : « Ah ! Geneviève ne se fâche jamais ; c’est un petit ange ; » et Geneviève aux grands yeux… et Geneviève au petit pied… tout cela n’est pas amusant à entendre répéter du matin au soir : de sorte que j’avais fini par te détester cordialement, ma pauvre Geneviève.

— Si je revois jamais M. Joseph, dit Geneviève, je lui ferai certainement des reproches pour le beau service que m’a rendu son amitié ; mais je n’en aurai pas de si tôt l’occasion. En attendant, il faut que je lui écrive ; donne-moi l’écritoire, Henriette.

— Comment ? il faut que tu lui écrives ! s’écria Henriette dont les yeux étincelèrent.

— Oui vraiment, répondit Geneviève en souriant ; mais rassure-toi, ma chère, la lettre ne sera pas cachetée, et c’est toi qui la lui remettras. Seulement, je le prie de ne pas la lire avant lui, pour la lui donner.

— Ah ! tu as des secrets avec Joseph ?

— Cela est vrai, Henriette. Je lui ai confié un secret ; mais il te le dira, j’y consens.

— Et pourquoi commences-tu par lui ? Tu n’as donc pas confiance en moi ? Tu me crois donc incapable de garder un secret ?

— Oui, Henriette, incapable, répondit Geneviève en commençant sa lettre.

— Comme tu es drôle ! dit Henriette en la regardant d’un air stupéfait. Enfin, il n’y a que toi au monde pour avoir de pareilles