idées ! Écrire à un jeune homme ! tu trouves cela tout simple ! et me donner la lettre, à moi, qui suis sa maîtresse ! et me dire : La voilà ; elle n’est pas cachetée, tu ne la liras pas !
— Est-ce que j’ai tort de croire à ta délicatesse ? dit Geneviève écrivant toujours.
— Non certes ! mais enfin c’est une commission bien singulière ; et moi qui viens de faire une scène épouvantable à Joseph ; quelle figure vais-je faire en lui portant une lettre de toi ? une lettre !…
— Mais, ma chère, dit Geneviève, une lettre est une lettre ; qu’y a-t-il de si tendre et de si intime dans l’envoi d’un papier plié ?
— Mais, ma chère, répondit Henriette, entre jeunes gens et jeunes filles, on ne s’écrit que pour se parler d’amour. De quoi peut-on se parler si ce n’est de cela ?
— En effet, je lui parle d’amour, répondit Geneviève, mais de l’amour d’un autre ; va, Henriette, emporte ce billet, et ne le remets pas demain avant midi. Embrasse-moi. Adieu !
Geneviève passa la nuit à mettre tout en ordre. Elle fit ses cartons, et en touchant toutes ces fleurs qu’André aimait tant, elle y laissa tomber plus d’une larme. — Voici, leur disait-elle dans l’exaltation de ses pensées, la rosée qui désormais vous fera éclore. Ah ! desséchez-vous, tristes filles de mon amour ! Lui seul savait vous admirer ; lui seul savait pourquoi vous étiez belles. Vous allez pâlir et vous effeuiller aux mains des indifférens ; parmi eux, je vais me flétrir comme vous. Hélas ! nous avons tout perdu ; vous aussi, vous ne serez plus comprises !
Elle fit un autre paquet des livres qu’André lui avait donnés. Mais la vue de ces livres si chers lui fut bien douloureuse. C’est vous qui m’avez perdue, leur disait-elle. J’étais avide de savoir vous lire, mais vous m’avez fait bien du mal ! Vous m’avez appris à désirer un bonheur que la société réprouve, et que mon cœur ne peut supporter. Vous m’avez forcée à dédaigner tout ce qui me suffisait