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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/336

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REVUE DES DEUX MONDES.

un peu de légèreté dans vos paroles, qu’on peut pardonner à votre âge, mais que je vous conseille d’en retrancher. Être étourdi est un aussi grand défaut que d’être pauvre, permettez-moi de vous le dire, et que la leçon vous profite.

ROSEMBERG.

S’exprimer en termes généraux n’est faire d’offense à personne. Pour ce qui est d’une leçon, j’en ai donné quelquefois, mais je n’en ai jamais reçu.

ULRIC.

Voilà un langage hautain ; et d’où sortez-vous donc, vous-même, pour avoir le droit de le prendre ?

PREMIER COURTISAN.

Allons, seigneurs, que quelques paroles échappées sans dessein ne deviennent pas un motif de querelle ; nous croyons devoir intervenir ; vous êtes chez la reine, et l’air de ses jardins ne doit respirer que la paix et la bonne intelligence, comme il ne s’y exhale que le parfum des fleurs et la douce sérénité de sa présence auguste.

ULRIC.

C’est vrai, et je vous remercie de m’avoir averti à temps. Je me croirais indigne du nom que je porte si je ne me rendais à une si juste remontrance.

ROSEMBERG.

Qu’il en soit ce que vous voudrez, je n’ai rien à dire à cela.

(Les courtisans sortent. Ulric et Rosemberg restent assis chacun de son côté.)
ROSEMBERG, à part.

Depuis que je suis dans cette cour, les paroles de ce chevalier que j’ai rencontré sur la route ne me sortent pas de la tête. Je ne sais ce qui se passe en moi ; je me sens un cœur de lion. Ou je me trompe fort, ou je ferai fortune.

ULRIC, à part.

Avec quelle bonté la reine m’a reçu ! et cependant j’éprouve une tristesse que rien ne peut vaincre. Que fait à présent Barberine ? Hélas ! hélas ! l’ambition ! n’étais-je pas bien dans ce vieux château ? pauvre, sans doute, mais quoi ? ô folie ! ô rêveurs que nous sommes !

ROSEMBERG.

Vous venez de Bohême, seigneur ? vous devez connaître mon oncle, le baron d’Engelbreckt ?

ULRIC.

Beaucoup ; c’est un de mes voisins ; nous allions ensemble à la