Le jour baisse de plus en plus, et la faim augmente en proportion. Est-ce que je serais réduit à filer ? Non, mille fois non ; j’aimerais mieux mourir de faim comme un gentilhomme. Diable ! vraiment, si je ne file pas, il ne sera plus temps tout-à-l’heure.
Comment est-ce donc fait, cette quenouille ? quelle machine diabolique est-ce là ? je n’y comprends rien. Comment s’y prend-on ? je vais tout briser. Que cela est entortillé ! Oh Dieu ! j’y pense, elle me regarde ; cela est sûr ; je ne filerai pas.
Qui vive ?
Le couvre-feu sonne ! Barberine va se coucher. Les lumières commencent à s’allumer. Des mulets passent sur la route, et les bestiaux rentrent des champs. Ô Dieu ! passer la nuit ainsi ! là, dans cette prison ! sans feu ! sans lumière ! sans souper ! le froid ! la faim ! Hé ! holà ! compagnon ; n’y a-t-il pas un soldat de garde ?
Eh bien ?
Je file, comtesse, je file ; faites-moi donner à souper.
Scène VI.
Comte Ulric, le jour est arrivé où la gageure que vous avez tenue contre Astolphe de Rosemberg doit avoir son exécution. Voilà mon chancelier, qui en a lu les termes écrits, et nous avons juré par notre parole royale qu’aucune puissance humaine ne nous fléchirait. Où est Rosemberg ? pourquoi ne paraît-il point ?
Sacrée majesté, je puis vous expliquer la cause de son absence ; ce sera vous apprendre en même temps le succès de notre gageure. Je commence par jurer sur mon honneur que je n’ai ni écrit ni fait savoir à ma femme rien de ce qui s’était passé, et que je ne me suis opposé en rien à l’entreprise d’Astolphe de Rosemberg. Maintenant, j’oserai