qui la fait ressembler à ces vieux chants que les Germains chantaient le soir en chœur vers la fin du printemps, lorsque les chênes druidiques commençaient à se couvrir de feuilles ; le suc de la vigne est sacré, la jeune fille est sacrée au jeune homme pour lequel elle mûrit, tout ce qui rend l’homme puissant et robuste est sacré pour lui. Il est impossible de ne pas trouver dans ces paroles un reste du vieux paganisme d’Odin qui, quoi qu’on fasse, gardera toujours un pied sur cette bonne terre d’Allemagne. Les poètes de ce pays ont beau tendre leurs ailes en de sublimes élans catholiques, ils ne s’élèvent jamais au-dessus des étoiles, la nature les retient toujours en son vaste filet ; le panthéisme est là dans l’air ; la moindre pensée éclose, le moindre bourgeon venu le glorifie. C’est lui qui accomplit en Allemagne un miracle partout ailleurs inconnu. Il élève une parenté étroite entre les créations les plus diverses du génie humain, et fait de Marguerite la cousine de Lénore, du pâle docteur son amant, l’aïeul immortel de tous les alchimistes fantastiques d’Hoffmann. C’est le panthéisme qui a tracé le sillon de lumière et de gloire sous lequel reposent les fronts de Schiller, de Goëthe, d’Hoffmann et de Novalis. Où donc le panthéisme peut-il fleurir aujourd’hui si ce n’est pas sur cette terre d’Allemagne ? Entre ces grands arbres chevelus et ces hommes robustes, entre ces blés verts et ces vierges blondes, il y a comme une parenté sympathique, comme une alliance naturelle. La sève qui murmure appelle le sang qui bout. Toutes ces choses fécondes et pures veulent se mêler et se confondre pour un grand œuvre dans la cuve de la science. La fleur des prés ouvre son œil bleu sur la jeune fille et la désire ; le chêne a des embrassemens luxurieux pour l’adulte qui passe. La nature et l’homme sont assez vierges encore tous les deux pour se parler et se comprendre. L’Orient et le désert, voilà la terre de l’esprit pur et de la contemplation ascétique. Là jamais la nature ne s’ouvre aux hommes, ils demeurent seuls dépouillés et nus. La terre n’a pour eux ni semence ni ruisseaux ; s’ils s’étendent sur elle, c’est un lit de sable ardent qui les consume ; s’ils veulent l’embrasser dans une étreinte d’amour, elle n’a pas une goutte d’eau pour leurs lèvres taries. Quel rapport voulez-vous qu’il existe au désert entre l’homme et la nature ? Resté seul
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POÈTES ET MUSICIENS ALLEMANDS.