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SCIENCES NATURELLES.

vante : « À ceci l’expérience est du tout contraire, car tout le long de l’an on trouve des grenouilles aux marais maritimes, qui ne gèlent point. C’est pourquoi je pense que Pline entend de celles qui s’engendrent de la corruption de la terre et de l’eau aux pluies d’été, lesquelles, à la vérité, se dissipent en limon. »

Cette idée qu’une espèce de grenouilles ou de crapauds se résout en limon à l’approche de l’hiver, est l’expression théorique d’un fait mal observé. Quoique, dans les marais où l’eau de la mer pénètre et maintient la température à une certaine élévation, on puisse, comme le dit Mathiole, voir toute l’année nager des grenouilles, il n’en est pas moins vrai que, dans les pays tempérés, les batraciens s’engourdissent vers le commencement de la saison froide ; mais avant que la stupeur les ait saisis, ils ont songé à s’assurer une cachette où ils soient à l’abri, et des rigueurs de la saison, et de la dent de leurs ennemis. Les espèces aquatiques s’enfoncent dans la vase, où quelques-unes pénètrent si profondément, qu’il est bien difficile que le hasard seul les fasse découvrir. Parmi les crapauds de notre pays, le bombinator, ou crapaud sonnant, est, à beaucoup près, celui qui se cache le mieux ; Bosc raconte qu’ayant fait fouiller à la bêche une mare où quelques semaines auparavant nageaient des milliers de ces animaux, on n’en trouva d’abord pas de trace, quoique l’instrument à chaque fois s’enfonçât de plus d’un pied dans la vase ; de sorte que si l’on n’eût pas fouillé plus profondément, on eût dû croire qu’il ne restait pas là un seul crapaud, quoiqu’on fût bien certain que pas un n’était parti.

Le crapaud sonnant, quoique le plus petit de nos pays, est à beaucoup près le plus bruyant. Son croassement, dans les soirées d’été, surtout lorsqu’il a plu pendant le jour, s’entend à une grande distance et est d’une monotonie insupportable. Quand donc arrive l’époque où il cesse de chanter, c’est un soulagement pour tout le voisinage, et on le remarque d’autant mieux, que les parages fréquentés par cette espèce ne le sont guère par les autres. Les mares deviennent ainsi tout à coup silencieuses et désertes, et comme on ne voit pas ce qu’ont pu devenir tous ces animaux qui, cependant, six mois plus tard, se rencontrent aussi grands, aussi nombreux et aussi bruyans, je ne doute pas que ce ne soit à eux que se rapporte le passage de Pline dont j’ai parlé plus haut.

Au reste, comme le noble Romain, dans les emprunts qu’il a faits aux Grecs, a commis de nombreux contre-sens, je ne serais pas étonné que l’auteur original eût dit simplement qu’à la fin de l’automne les grenouilles se perdaient dans la vase et ne se retrouvaient qu’au printemps.

Le crapaud sonnant ne se rencontre guère que dans les pays de monta-