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gnes, où il vit presque constamment dans l’eau. Un autre qui a aussi, quoiqu’à un moindre degré, des habitudes aquatiques, et qui se trouve aux environs de Paris, c’est le crapaud de Rœsel (crapaud brun de Cuvier). Il est très abondant au printemps dans la mare d’Auteuil où on vient le pêcher la nuit avec des filets. On le coupe par le milieu du corps, et on vend ses cuisses dans nos marchés pour des cuisses de grenouilles.

Dans cette espèce, le têtard reste très long-temps avant de passer à l’état parfait, et il est déjà fort grand qu’il a encore sa queue ; il semble même rapetisser lorsqu’il prend sa dernière forme. Cette diminution de volume d’ailleurs n’est pas à beaucoup près aussi sensible que chez une grenouille de la Guyane, la jakie ; chez celle-ci, la différence est si grande, qu’elle a donné lieu aux premiers observateurs de supposer que c’était la grenouille qui se métamorphosait en têtard, ou, comme ils le disaient, en poisson.

Le crapaud de Rœsel, quand on l’inquiète, répand une forte odeur d’ail ; le crapaud variable, plus rare aux environs de Paris, mais assez commun dans le midi de la France, exhale dans les mêmes circonstances une odeur d’abord ambrée, puis vireuse et semblable à celle de la morelle noire. Le crapaud des joncs ou calamite répand une odeur empestée de poudre à canon.

Quoique tous les crapauds ne soient pas également puans, tous ont quelque chose qui repousse. Leur forme écrasée, leur gros ventre qui traîne sur le sol, leur peau pustuleuse en font des êtres réellement hideux, et on ne doit pas s’étonner qu’ils soient en général un objet d’aversion.

On a dit que leur morsure était dangereuse ; c’est probablement une erreur ; la morsure même ne doit pas laisser de traces, car les mâchoires sont dépourvues de dents ; elle retiennent d’ailleurs très fortement ce qu’elles ont une fois saisi, et c’est pour cela sans doute que les crapauds ont été pris quelquefois pour l’emblème de l’opiniâtreté. Leur urine qu’ils lancent contre ceux qui les poursuivent a été aussi, mais à tort, regardée comme vénéneuse. Quant à la liqueur qui suinte des glandes situées derrière les oreilles et quelquefois des pustules dorsales, il s’en faut bien qu’elle soit aussi innocente que l’ont prétendu quelques naturalistes modernes.

Cardan dit qu’on peut donner la gale à un homme en lui faisant porter une chemise lavée dans de la saumure où on aura fait périr un crapaud. Je ne doute point que cette odieuse recette n’ait été autrefois essayée par esprit de vengeance, et je ne serais pas surpris qu’elle eût jusqu’à un certain point réussi, c’est-à-dire qu’il en fût résulté une éruption cutanée. Schelhammer rapporte, dans les Éphémérides des curieux de la nature