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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/513

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REVUE. — CHRONIQUE.

nous, dans le sens abstrait de la politique, la Corse est une position maritime, et rien de plus. Que nous importent ses indigens villages, ses châtaigneraies, ses montagnes ? Quel rapport entre nous et l’intérieur du pays qui n’existe aussi bien entre nous et la Norwége ou la Calabre ? Quel prolongement nécessaire de notre vie jusqu’à ces rochers isolés et sauvages ? Nous l’avons dit, la Corse pourrait disparaître dans les abîmes de la mer, que la terre des Gaules n’en ressentirait pas même la secousse ; mais il faudrait que du même coup qui ferait écrouler les sommets de ses montagnes disparussent aussi ces golfes et ces rades nombreuses qui les entourent. Repaires inexpugnables de vaisseaux de haut bord et d’escadres, c’est là ce qui nous menace ; c’est en cela que consiste pour nous toute la Corse. Supposez tous ces enfoncemens occupés par une marine ennemie, et voilà comme autant de bouches à feu placées en batterie contre notre littoral du midi, et prêtes à balayer tout ce qui paraîtra sur les eaux : c’est le golfe de Saint-Florent, celui de Calvi, de Porto, de Sagone, d’Ajaccio, toute cette côte profonde et dentelée qui s’ouvre contre nous et nous ôte la liberté de la mer. Des Pyrénées jusqu’aux Alpes, nous n’avons à opposer à toute cette force de mer que Toulon ! Donnez la Corse à qui que ce soit, vous constituez une puissance qui nous commande, et sans le bon plaisir de laquelle le pavillon de notre commerce ne pourra plus flotter sur les eaux du grand lac français.

Sans doute la Corse ne saurait jamais nous devenir redoutable par son propre mouvement ; ce n’est pas une si mince poignée de peuple qui pourrait inquiéter la France. Et même si ce peuple était assez puissant pour tenir d’une main ferme la clé de ses abords et clore à son gré ses mouillages, une simple alliance avec lui pourrait sufire à notre sûreté. Mais que la guerre commence ; inerte et dénuée comme elle l’est, sans troupes, sans artillerie, sans marine, voilà la Corse sous la loi du premier occupant. Ce n’est pas elle que nous craignons, c’est celui qui la ramassera pour s’en faire une arme contre nous. D’ailleurs, qui nous garantirait sa fidélité et la rigoureuse observation des traités ? Étrangère à la France, quel motif d’attachement à nos intérêts plus qu’à ceux de l’Angleterre ou de toute autre puissance ? Et serait-ce, en tout cas, pour une nation telle que la nôtre, une situation convenable que de dépendre, pour une si capitale question d’existence, de l’affection ou de la bonne foi d’une nation inférieure comme la Corse ? Et qu’on ne cherche pas à établir ici un parallèle entre les montagnards de la Corse et ceux de la république helvétique : les positions respectives sont fondamentalement différentes ; et en dé-