tâché de marcher dans la trace des pas de Mirabeau ; mais le pied du géant n’est pas facile à suivre, et M. Thiers s’est arrêté au commencement du chemin.
M. Thiers a écrit cette note curieuse sur Mirabeau, curieuse surtout parce qu’elle a été écrite par M. Thiers : « Il partit de Provence avec un seul projet, dit M. Thiers, celui de combattre le pouvoir arbitraire dont il avait souffert, et que la raison, autant que ses sentimens, lui faisaient regarder comme détestable. Arrivé à Paris, il fréquenta un banquier alors très connu, et homme d’un grand mérite. Là on s’entretenait beaucoup de politique, de finances et d’économie publique. Il y puisa beaucoup de connaissances sur ces matières, et il s’y lia avec ce qu’on appelait la colonie genevoise. Cependant Mirabeau ne forma aucune liaison intime. Il abordait tout le monde, et semblait lié avec tous ceux auxquels il s’adressait. C’est ainsi qu’on le crut souvent l’ami et le complice de beaucoup d’hommes avec lesquels il n’avait aucun intérêt commun. L’aristocratie ne pouvait songer à Mirabeau, le parti Necker ne s’est pas entendu avec lui. Le duc d’Orléans a pu seul paraître s’unir à lui. On l’a cru ainsi, parce que Mirabeau traitait familièrement avec le duc, et que tous deux, étant supposés avoir une grande ambition, l’un comme prince, l’autre comme tribun, paraissaient devoir s’allier ; la détresse de Mirabeau et la fortune du duc d’Orléans semblaient aussi un motif réciproque d’alliance. »
La séparation de l’assemblée constituante, premier fait accompli sur lequel M. Thiers se trouve avoir à prononcer, lui laisse peu de regrets. Il est vrai que c’est un pouvoir qui s’en va, et M. Thiers est tout occupé de saluer celui qui s’avance, l’assemblée législative avec la fameuse Gironde. L’intérêt de l’historien se partage alors entre la Gironde qui voulait la république avec tous ses prestiges, avec ses vertus et ses œuvres sévères, et la royauté qui attendait du temps la restitution du pouvoir qu’elle avait perdu. On ne sait plus alors qui blâmer, qui accuser des troubles et des dissensions du royaume. L’assemblée veut respectueusement et fermement le bien du pays, le roi de même ; l’assemblée députe au roi M. de Vaublanc pour lui remontrer que les rassemblemens d’émigrés sur les frontières entretiennent la défiance du peuple, et pour l’inviter à dissiper le camp de Condé par la persuasion ou