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devenait l’intermédiaire indispensable, et pouvait ainsi stipuler pour elle-même tous les avantages résultant d’une position aussi élevée.

Ici se présente une question historique de la plus haute importance. Napoléon voulait-il la paix après l’armistice de Plesswitz ? Les alliés la voulaient-ils également ? L’Autriche offrait-elle sa médiation de bonne foi, dans un but sincère de la paix, ou comme un leurre seulement, pour mieux préparer le développement de ses forces militaires ? Ces trois questions doivent être examinées simultanément avec gravité.

Napoléon n’était point l’homme de la paix. Mais après les batailles de Lutzen et de Bautzen, après la perte de tant de ses compagnons de gloire d’Italie, une sorte de douleur maladive s’empara de sa tête ; il ne pouvait entrer du découragement dans cette ame puissante, mais partout, autour de lui, on murmurait le nom de paix, en France comme sous la tente, aux veillées militaires comme le matin des batailles ; on se battait, mais non plus avec cette gaieté, cet enthousiasme, qui marquaient les victoires d’Austerlitz et de Iéna. Napoléon désirait donc la paix ; mais son caractère de fer ne pouvait se plier aux circonstances. Jusques alors l’empereur avait imposé des traités plutôt qu’il n’avait négocié ; il avait dit aux puissances vaincues : « Voilà des conditions, acceptez-les ; et s’il y a un adoucissement, c’est à ma générosité que vous le devez. » Ici la position n’était plus la même. Les puissances se présentaient comme parties égales, avec des forces numériques aussi considérables que celles de la France, et moins démoralisées. Il s’agissait de négocier, et non plus d’imposer ou de recevoir des conditions. Je le répète, cette situation nouvelle n’était pas comprise par l’empereur Napoléon,

De leur côté, les alliés avaient signé l’armistice de Newmarck, surtout pour suivre les négociations secrètes avec Bernadotte, et décider l’Autriche à entrer dans la ligue ; elles désiraient moins la paix qu’elles n’appelaient le temps nécessaire de rassembler de nombreuses forces, afin de venir à bout de l’ennemi commun ; elles caressaient l’Autriche de toutes les manières ; elles acceptaient tout ce que M. de Metternich proposait, tandis que Napoléon ne subissait cette médiation que comme une dure nécessité.

Maintenant cette médiation de l’Autriche était-elle sincère ? Ne cachait-elle pas le dessein de se rapprocher de la coalition ? Ici nous nous expliquons ; si on veut dire qu’elle était désintéressée, nous répondons que non ; mais pour sincère, elle l’était. En effet, dans quelle position se trouvait l’Autriche ? Puissance alors prépondérante, elle avait droit de tirer des circonstances tous les avantages nouveaux qui en résultaient.