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DIPLOMATES EUROPÉENS.

Elle pouvait faire ses conditions. Il faut se rappeler toutes les pertes territoriales que Napoléon lui avait fait éprouver en Italie, sur le Rhin et dans le centre de l’Allemagne ; n’était-il pas naturel qu’elle profitât de sa médiation armée, position admirable dans laquelle M. de Metternich avait su la placer ? Il est évident que si la paix générale lui avait procuré les avantages qu’elle souhaitait, l’Autriche ne se serait pas jetée dans la coalition. Sous ce point de vue, elle était donc sincère. Mais Napoléon refusait de lui accorder ces avantages ; l’Autriche devait chercher à reconquérir dans la guerre ce que le sort des batailles lui avait enlevé. C’était son droit. Depuis ce moment, on voit M. de Metternich développer dans ses notes ses principes sur l’équilibre européen, qui tendait à amoindrir l’immense puissance de Napoléon, au profit des états coalisés.

Ce fut sur ces bases que s’engagea la fameuse conversation entre M. de Metternich et Napoléon, conversation qui, en laissant un profond et noble dépit dans le cœur du ministre autrichien, exerça une triste influence sur les déterminations ultérieures de l’Autriche. Après la signature de l’armistice, Napoléon avait porté son quartier-général à Dresde ; l’empereur d’Autriche et sa légation s’étaient rendus à Gitchin, afin d’exercer, de cette situation nouvelle, une action plus directe sur les puissances belligérantes. Des notes successives de Napoléon et du duc de Bassano demandaient sans cesse à l’empereur François ii et à son cabinet qu’ils eussent à prendre une détermination précise pour la signature des préliminaires d’un traité de paix. Ensuite de ces pressantes instances, M. de Metternich se rendit à Dresde auprès de Napoléon ; il était porteur d’une lettre autographe de son souverain en réponse aux ouvertures qui lui avaient été faites. Cette lettre était plutôt un échange de sentimens d’affection du beau-père au gendre, qu’une note de diplomatie. Dans le fait, M. de Metternich seul était chargé de la négociation de cabinet. Il trouva Napoléon au palais de Dresde ; quand on annonça M. de Metternich, il se hâta de le recevoir, car il sentait toute l’importance de maintenir l’alliance autrichienne, La conférence dura presque une demi-journée ; l’empereur Napoléon était dans son costume militaire, il se promenait à grands pas, ses yeux étaient animés ; malgré cela, ils avaient quelque chose de bienveillant et de doux. Cependant il ouvrit la conférence avec peu de mesure : « Metternich, votre cabinet veut profiter de mes embarras. La grande question pour vous est de savoir si vous pouvez me rançonner sans combattre, ou s’il faudra vous jeter décidément au rang de mes ennemis. Eh bien ! voyons ; traitons.