J’y consens. Que voulez-vous ? » À cette brusque sortie, trop directe et presque maladroite, M. de Metternich se borna à répondre que « le seul avantage que l’empereur son maître était jaloux d’acquérir, c’était l’influence que communiqueraient aux cabinets de l’Europe l’esprit de modération, le respect pour les droits et les possessions des états indépendans. L’Autriche désirait établir un ordre de choses qui, par une sage répartition de forces, placerait la garantie de la paix sous l’égide d’une association d’états indépendans. » Cette explication diplomatique, quoique enveloppée de formes vagues, disait hautement les desseins du cabinet de Vienne ; son but avoué, c’était la destruction de la prépondérance unique de l’empereur Napoléon. Le système de M. de Metternich était de substituer à cette immense puissance une balance européenne qui fît entrer l’Autriche, la Prusse et la Russie dans un état complet d’indépendance à l’égard de l’empire français. En résumé, le cabinet de Vienne réclamait pour lui-même, non-seulement l’Illyrie, que le traité de 1812 lui promettait comme une éventualité, mais encore une frontière plus étendue vers l’Italie. Le pape devait reprendre ses états, la Pologne subissait un nouveau partage ; l’Espagne devait être évacuée ainsi que la Hollande ; enfin toute influence sur la confédération du Rhin et la médiation suisse devait être abandonnée par Napoléon. Ces conditions étaient dures, mais elles n’étaient pas au-delà de la situation. Le gigantesque empire français avait englouti d’immenses territoires, et brisé l’ancien équilibre européen ; l’Autriche voulait le rétablir en profitant des circonstances. Napoléon reprit : « Metternich, vous voulez m’imposer de telles conditions sans tirer l’épée ! cette prétention m’outrage. Et c’est mon beau-père qui accueille un tel projet ! dans quelle attitude veut-il donc me placer en présence du peuple français ? Ah ! Metternich, combien l’Angleterre vous a-t-elle donné pour jouer ce rôle contre moi ? » À ces outrageantes paroles, M. de Metternich changea de couleur ; il ne répondit pas un mot ; et comme Napoléon, dans la vivacité de ses gestes, avait laissé tomber son chapeau, le ministre d’Autriche ne se baissa pas pour le ramasser, comme il l’eût fait par étiquette en toute autre circonstance. Il y eut une demi-heure de silence. Puis la conversation reprit d’une manière plus froide et plus calme, et en congédiant M. de Metternich, l’empereur, lui prenant la main, lui dit : « Au reste, l’Illyrie n’est pas mon dernier mot, et nous pourrons faire de meilleures conditions. »
Un des grands défauts de Napoléon fut toujours de placer les hommes trop au-dessous de lui, de telle manière qu’il ne comprenait pas l’indé-