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L’ESPAGNE DEPUIS FERDINAND VII.

gens leur confère ; le seul rôle que puisse se permettre en ce cas l’hostilité officielle est la neutralité du silence. Les correspondans diplomatiques de Madrid l’ont senti, ou bien on le leur a fait sentir ; depuis ils se sont tenus tranquilles ; ils se contentent de bouder à l’écart. La cour de Rome n’avait plus d’agent accrédité près de sa majesté catholique ; l’évêque de Nicée, l’ancien nonce, vivait à Madrid en simple particulier.

Quant au Portugal, la roue avait tourné ; on avait eu deux ans auparavant des velléités d’intervention en faveur de don Miguel ; maintenant, dona Maria était reconnue, et c’est pour soutenir ses droits que le général Rodil avait passé la frontière. Les deux cours semblaient avoir oublié leurs vieilles haines ; elles vivaient, officiellement du moins, dans les rapports d’une étroite amitié.

Sa campagne terminée, Rodil passa à l’armée du nord et prit le commandement des provinces insurgées ; mais il en fut de lui comme de ses prédécesseurs ; il ne fit que paraître et disparaître. Il céda sa place à Mina. La guerre de Navarre n’avait pas à l’origine l’importance qu’elle a prise depuis ; avec de la prudence, de la résolution, il eût été possible de pacifier cette Vendée naissante ; il fallait à tout prix prévenir la jonction des deux intérêts qui se sont unis plus tard : l’intérêt absolutiste et l’intérêt municipal ; on le pouvait en attachant les provinces basques au nouvel ordre de succession ; on les eût ainsi du même coup détachées de la cause du prétendant ; on eût rendu impossible tout rapprochement ultérieur.

Au lieu de cela, on a voulu les violenter ; on l’a pris avec elles sur un ton qui les a blessées dans leur fierté nationale. Je veux les mettre à mes pieds, disait M. Martinez, après quoi nous verrons à traiter. Ces grands airs étaient d’autant plus déplacés qu’on n’était pas en mesure de les soutenir. Qu’est-il arrivé ? M. Martinez voulait humilier les Basques, et ce sont les Basques qui l’ont humilié en décimant ses troupes, en condamnant l’un après l’autre tous ses généraux à l’ignominie de l’inaction et à la retraite. Une fois à ces termes, la querelle ne pouvait que s’envenimer de jour en jour davantage ; et quoique si distincts en eux-mêmes, les deux intérêts sont unis aujourd’hui si étroitement, qu’ils se sont confondus en un seul. La confusion est devenue inextricable.

C’est l’incurie, c’est l’inexpérience de M. Martinez comme homme d’action qui a amené la lutte au point où elle est ; c’est lui qui a,