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ques-uns ne pouvaient la conserver qu’en s’acquittant de toutes les corvées qu’il plaisait au seigneur de leur imposer ; pour d’autres, la nature des services était déterminée, et pour ceux-ci même il y avait une distinction établie suivant que les services exigés supposaient ou non la condition de vilain. Toutes ces tenures, comme il a été dit, étaient dans le principe révocables à volonté ; mais dans le plus grand nombre de cas les enfans occupèrent les terres que leurs pères avaient occupées avant eux, les améliorèrent, et finirent par les considérer comme leur propriété ; aussi, lorsqu’il arriva qu’un seigneur voulut les expulser, ils portèrent leurs plaintes à des tribunaux supérieurs, et les décisions leur furent en général favorables. Bientôt il passa en principe que lorsqu’un tenancier pourrait prouver par les registres de la baronnie que sa famille occupait depuis long-temps la terre sur laquelle il était établi, on n’aurait pas droit de l’en priver tant qu’il se conformerait aux coutumes du manoir, c’est-à-dire tant qu’il s’acquitterait des services ou des redevances auxquelles ses prédécesseurs avaient été soumis.

L’extrait (copy) des registres baronniaux constituant ainsi un titre pour ces propriétés acquises par prescription, le possesseur fut dit copy holder. Ce qu’il y a de bizarre, c’est que dans cet extrait qui assurait au tenancier et à ses héritiers le droit d’occuper la terre, même contre la volonté du seigneur, il était dit expressément qu’ils n’en jouissaient que sous son bon plaisir.

Les changemens dans les mœurs amenèrent l’abolition des corvées qui n’avaient pas été déjà rachetées ; les servitudes qui tenaient de près ou de loin aux usages féodaux tombèrent en oubli ; alors vinrent des statuts qui consacrèrent et établirent en droit ce qui existait de fait. Bref, près de deux siècles avant l’acte de réforme, il n’y avait guère, entre les copy holds et les freeholds, d’autre distinction que celle qui était relative aux fonctions électorales.

Il faut cependant remarquer que toutes les tenances en roture n’avaient pas subi la transformation dont il vient d’être parlé. Certains seigneurs, ou plus prévoyans ou plus avides, avaient eu bon soin de ne pas laisser périmer leurs droits, et c’était presque toujours en les restreignant qu’ils avaient trouvé le moyen d’en assurer la durée. Ainsi, ils convinrent, les uns de laisser au tenancier et à ses successeurs la possession de la terre pendant un espace de temps limité, mais qui était toujours de moins d’un siècle ; les autres, de l’en laisser en possession sa vie durante, et sans que cela emportât aucun droit pour ses enfans ; d’autres, enfin, voulurent que la durée des engagemens fut celle de la vie du seigneur. Quelles qu’eussent été au reste les conditions, le bail n’était jamais renouvelé sans que le tenancier n’eût à payer une sorte de bien-venue,