Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 5.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
33
HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE.

teur ; il fait condamner Félix d’Urgel deux fois, dans un concile, c’est-à-dire le désapprouver, après une libre discussion soutenue par Alcuin ; il s’arrête là, il n’y a aucune peine, nuls sévices. Charlemagne écrit à Alcuin sur l’astronomie, sur la bible. Il y a entre eux échange de questions littéraires, philosophiques, théologiques, scientifiques ; Charlemagne trouve du temps pour toutes ces choses et pour trente guerres, toutes guerres de civilisation.

Ce qu’il a fait ne périt pas avec lui, comme on l’a dit trop souvent ; au contraire, Charlemagne, en arrivant, ne trouve rien ; il est obligé de tout créer, d’apprendre à lire à tout le monde, d’aller chercher des savans où il y en a, en Angleterre, en Italie, en Irlande. Mais quand il meurt, ce qu’il a fait porte ses fruits. Les individus qui, enfans, ont fréquenté les écoles, sont maintenant des hommes, et de là cette multitude de personnages très remarquables qui abondent dans le ixe siècle. Ce ixe siècle mérite beaucoup l’attention ; c’est un temps de lutte, de guerres civiles, de détrônemens, de morcellemens. Mais pendant ces temps agités, et en raison même de ces agitations et de ces secousses, il se forme un grand nombre d’hommes qui devaient à Charlemagne la première éducation de leur esprit, et qui doivent aux orages de leur temps l’éducation de leur caractère.

À cette époque la théologie est bien tombée. Elle copie servilement les argumens des hérésies des premiers temps, ou leur réfutation ; elle reproduit ces hérésies sous une forme plus grossière ; mais ce qui remplace la culture théologique, c’est la politique, la diplomatie, les écrits des factions, des partis qui abondent alors dans la société civile et dans la société religieuse ; car elle aussi a ses factions, ses partis, et par conséquent, elle aussi a ses pamphlets. Les évêques ont des querelles avec les monastères ; les évêques ont des querelles entre eux relativement à la suprématie de certains siéges ; les évêques de France ont des querelles avec l’évêque de Rome. Au milieu de toutes ces luttes, il se forme de grands caractères ; tel est, par exemple, Agobard, évêque de Lyon, auquel le christianisme doit l’honneur d’avoir devancé la philosophie, en protestant contre les épreuves superstitieuses et contre le jugement de Dieu.

Tel fut surtout ce grand archevêque de Reims, Hincmar, qui se mêle à tout, au renversement des trônes, aux intrigues diplo-