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SIMON.

Cependant M. de Fougères s’était flatté que Simon n’oserait pas résister à la crainte de se faire un ennemi d’un homme tel que lui, et il avait pris le parti de le flagorner dans la personne de M. Parquet, n’imaginant guère qu’il allait tomber dans un piége. Il y était tombé avec une simplicité qui le couvrait de honte à ses propres yeux, et qui poussait à l’exaspération l’aversion profonde qu’il avait pour la caste plébéienne. En raison de ses adulations et de ses platitudes devant cette caste, M. de Fougères lui portait, dans le secret de son cœur, la haine héréditaire dont les nobles ne guériront jamais, et que ressentent avec le plus d’amertume ceux d’entre eux qui ont la lâcheté de mendier son appui, et de la tromper par couardise.

Ayant depuis deux ans concentré toutes ses affections (si toutefois les avares ont des affections) sur sa nouvelle famille, il mettait son orgueil et sa joie à ménager une grande fortune à ses héritiers. Il avait regardé Fiamma comme morte, et il avait eu la politesse de lui offrir une vingtaine de mille francs de dot pour épouser le Seigneur, à peu près comme il eût réservé cette somme à des obsèques dignes du rang de sa famille. Mais Fiamma avait refusé jusqu’à ce don en alléguant que le petit héritage de sa mère lui suffirait pour entrer au couvent, et pour s’y ensevelir.

Maintenant, au lieu de cette heureuse conclusion à l’importune existence de sa fille chérie (il l’appellait ainsi surtout depuis qu’elle approchait de la tombe où il eût voulu la clouer vivante), il prévoyait qu’il faudrait s’exécuter et lui donner une dot convenable. Il supposait que Féline avait des dettes, ou de l’ambition ; il regardait cette race d’avocats et de procureurs comme une armée ennemie, qui le couvrirait de blâme dans le pays, s’il ne faisait pas honorablement les choses, et en fin de cause, il savait que sa fille pouvait se passer de son consentement. Son cœur était donc dévoré de toutes les chenilles de l’avarice, et il ne voyait aucune issue à son embarras ; car la seule chose qui l’eût rassuré, la résolution de Fiamma contre le mariage, venait d’être subitement révoquée d’une manière laconique et absolue, dont il ne connaissait que trop la valeur. Il n’avait donc qu’un moyen de se soulager, c’était de se mettre en colère ; et il faut que cette envie soit bien irrésistible, puisqu’elle aggravait tout le mal, et qu’il s’y abandonna néanmoins.

Il éclata donc en reproches amers sur la trahison de M. Parquet,