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dont Fiamma s’était rendue complice en le traitant comme un père de comédie. Il qualifia ce projet de sourde et méprisable intrigue, et la conduite de Fiamma d’hypocrisie consommée. — C’était donc là où devaient vous conduire cette dévotion austère, lui dit-il, et cet amour insatiable de la retraite ? J’en ferai compliment aux nonnes qui en ont été dupes ou complices. J’admire beaucoup aussi le prétexte que vous m’avez donné, pour venir me demander, sous le manteau de la prudence, la main de M. Féline, car c’est vous qui faites ici le rôle de l’homme. Ce n’est pas lui qui veut m’arracher mon consentement, c’est vous-même. C’est vous sans doute qui viendrez, à la tête des notaires, me présenter une de ces sommations qu’on appelle respectueuses par ironie sans doute pour l’autorité paternelle ?

— Monsieur, répondit Fiamma avec le même calme qu’elle avait toujours apporté dans ces pénibles relations, j’espère que je n’aurai pas recours à de semblables moyens, et qu’après avoir mûri l’idée de ce mariage dans votre sagesse, vous l’approuverez avec bonté. Si vous étiez plus calme, je vous prierais de m’expliquer sur quoi vous fondez vos répugnances ; mais vous ne m’entendez pas dans ce moment ci. Je me bornerai à vous dire que vous n’avez pas été trompé, que cela du moins a toujours été éloigné de ma pensée et de mon intention ; que je suis absolument étrangère à la forme que M. Parquet a pu donner aux propositions de M. Féline ; que j’ai été de bonne foi dans tout ce que j’ai fait jusqu’ici, et qu’avant-hier encore ma résolution de prendre le voile me semblait inébranlable. Je suis venue ici, croyant assister au mariage de M. Féline avec Bonne Parquet, et lorsque je vous donnai autrefois ma parole d’honneur de ne jamais laisser concevoir à M. Féline des espérances contraires à la raison ou à l’honneur…

— Alors vous mentiez comme aujourd’hui ! s’écria M. de Fougères. Il fallait que vous fussiez bien éprise déjà de cet homme, pour qu’un seul jour passé ici, après une aussi longue séparation, vous ait mis aussi bien d’accord. Allons, je ne suis pas un Géronte. Quoique vous soyez une intrigante habile, vous ne me ferez pas croire que le temps de votre retraite au couvent ait été très saintement employé. Après une vie comme celle que vous meniez ici, après des jours et des nuits passés on ne sait où, je ne serais pas étonné que des raisons majeures ne vous eussent tout d’un coup