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JOCELYN.

en cercle, un auditeur peu disposé, comme il s’en trouve, un jaloux consolé ait droit de faire entendre une remarque discordante, et de susciter une discussion sèche ; il ne faut pas que l’oncle, venu là par hasard, l’oncle qui a fait autrefois de bonnes études sous l’Empire, mais qui depuis a été dans la banque, puisse lancer sa protestation, au nom de la règle violée, à travers cette admiration affectueuse de l’aimable jeunesse ; qu’il ait lieu de jeter, pour ainsi dire, sa poignée de poussière dans cet essaim d’abeilles égayées qui se doraient au plus beau rayon. Aussi, quand, à une seconde édition prochaine, le poète aura corrigé une douzaine d’incorrections, de concessions trop largement faites à la rime et à la mesure, au détriment de la règle ou de l’analogie[1], il aura fourni une chance de plus à ce succès croissant, pacifique, établi, tout de cœur et non de lutte, que nous voulons à Jocelyn.

Mais, au milieu de notre propre discussion mêlée à nos conjectures et à nos désirs sur la destinée du poème, nous oublions Jocelyn en personne, qui est entré au petit séminaire, et qui a dû, il est vrai, y rester six longues années. Nous le retrouvons en 93. L’orage grondant vient battre les murs de la sainte maison dans laquelle il prolongeait sa vie de prière, et parfois de rêverie. Bientôt l’assaut commence ; l’injure et tout-à-l’heure la mort sont aux portes. Sa mère, sa sœur, toute sa famille, sont en fuite déjà, et vont chercher quelque abri au-delà des mers ; lui-même, avec douze louis d’or qu’on lui fait secrètement remettre, il n’a que le temps de s’échapper. Comme petit détail exact, j’aimerais mieux que Jocelyn sortît du séminaire avant 93, avant la mort du roi, et dès 92, ce qui abrégerait d’autant l’année 94, trop longue dans le poème ! Jocelyn s’échappe donc en changeant d’habit ; il gagne le Dauphiné, Grenoble, et arrive aux Alpes. Un pâtre le recueille, et lui indique,

  1. Ainsi, à des fins de vers, débri, chamoi, à l’envie ; ainsi eux-même ; et des singuliers là où le pluriel est impliqué forcément dans l’idée et n’est autre que l’idée :

    Combien de chose éteinte en mon cœur il réveille.

    Il est aussi, par rapport à l’oreille, au petit nombre de vers brusqués et, en quelque sorte, provisoires, que je signalerai à la retouche de l’auteur pour cette seconde édition : tome 1er, le 15e de la page 124 ; le 6e de la page 264 ; le 13e de la page 314, etc.