rassa beaucoup l’empereur, lequel voulait un exemple. Son conseil assemblé, après de longues discussions, un membre se leva et dit : « À quoi bon tant de discours ? faites déshonorer la fille, et vous la condamnerez ensuite en toute conscience. » Ainsi, quoique vos seigneuries aient gardé jusqu’ici leur virginité dans tout ce qui touche le mariage du roi, qu’elles prennent soin de la bien défendre jusqu’à la fin ; car il s’en trouvera qui, après avoir obtenu de vous d’assister au couronnement, vous demanderont de parler en son honneur, puis d’écrire des livres pour le justifier, et qui, après vous avoir déshonorés, ne tarderont pas à vous perdre. Pour moi, dit-il en finissant, il n’est plus en mon pouvoir d’empêcher qu’ils me ruinent, mais ils ne me déshonoreront jamais, Dieu étant mon bon maître[1]. »
Après le mariage vint l’affaire des sermens, comme Morus l’avait prévu. On présenta au parlement un bill qui obligeait tous les sujets anglais à prêter serment de fidélité à la reine Anne et à ses descendans, et à reconnaître au roi le titre de chef spirituel de l’église d’Angleterre. C’était la conclusion de cette grande querelle qui occupait tous les théologiens de l’Europe depuis bientôt dix ans, et qui allait changer la religion du peuple anglais. Cette triple question, le divorce, le mariage et la suprématie, ou plutôt ces trois phases de la même question - car le divorce n’avait été agité que pour amener le mariage, et la suprématie que pour le ratifier à défaut du pape, — furent traitées successivement et avec un grand appareil de doctrine. N’était-ce donc, du côté du roi, qu’une longue comédie, jouée avec patience, par laquelle il avait voulu faire d’une intrigue galante une affaire de religion, soit pour en cacher le scandale aux yeux des peuples, soit pour conjurer l’empereur d’Allemagne, neveu de la reine divorcée, par l’apparence d’une nécessite religieuse ? Que son dégoût pour sa femme et sa passion pour Anne en aient été les seules causes, c’est ce qui n’est point douteux ; car si Henry eût pu changer impunément de femme, il n’eût pas changé de religion. Mais qu’il n’y ait eu que de l’hypocrisie dans sa conduite pendant ces dix années, que de sincères scrupules de religion ne se soient pas mêlés à ses intrigues et à ses violences, c’est ce qui n’est guère croyable d’un prince qui pouvait tout, et dans une époque où toute légitimité venait de Rome. Quoi qu’il en soit,
- ↑ The life of Thomas Morus, by his grandson, p. 102.