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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/165

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LE SALON.

du Massacre de Scio, ni de cette Liberté que M. Auguste Barbier seul pourrait décrire, ni des Anges du Christ aux Olives, ni du Dante, ni du Justinien ; et je serais bien plus fâché encore de dire du mal du premier tableau que M. Delacroix peut nous faire, de son plafond que je n’ai pas vu, de ses projets que je ne connais pas.

On a voulu faire de M. Delacroix le chef d’une école nouvelle, prête à renverser ce qu’on admire, et à usurper un trône en ruines Je ne pense pas qu’il ait jamais eu ces noirs projets révolutionnaires. Je crois qu’il travaille en conscience, par conséquent sans parti pris. S’il a un système en peinture, c’est le résultat de son organisation, et je n’ai pas entendu dire qu’il cherche à l’imposer à personne : aussi ne le blâmerai-je pas d’aimer Rubens par-dessus tout ; je partage son enthousiasme sans partager ses antipathies, et j’aime Rubens, quoique j’aime mieux Raphaël. Mais fussé-je l’ennemi déclaré de la manière de M. Delacroix, je n’en serais pas moins surpris qu’on ait, au jury d’admission, refusé un de ses tableaux. Je ne connais pas son Hamlet, et je n’en puis parler d’aucune façon ; mais quelques défauts que puisse avoir cet ouvrage, comment se peut-il qu’on l’ait jugé indigne d’être condamné par le public ? est-ce donc la contagion qu’on a repoussée dans cette toile ? est-elle peinte avec de l’aconit ? Il semble que tant de sévérité n’est juste que si elle est impartiale ; et comment croire qu’elle le soit, lorsqu’on voit de combien de croûtes le Musée est rempli ? Mais ce n’est pas assez que de tous côtés on trouve les plus affreux barbouillages ; on a reçu jusqu’à des copies, que le livret donne pour originaux. J’ai noté un de ces vols manifestes, au no 1491. On y trouve un tableau, intitulé une Bacchante, de M. Poyet ; or ce tableau est une copie, et une très mauvaise copie d’un magnifique ouvrage de David, qui appartient à M. Bouchet.

Je passe devant le tableau de M. Steuben, et puisque je parle de tout ce qu’on regarde, je conviens qu’on regarde sa Jeanne-la-Folle, mais j’en reviens à mon opinion ; la mode n’est que l’apparence de la popularité, qui, elle-même, n’est pas toujours sûre. M. Steuben a, dans la galerie, un petit portrait d’une jeune fille qui sourit, appuyée sur son coude. Cette étude fine et naïve vaut mille fois mieux que ces grands mélodrames où on entasse le clinquant, et où l’œil cherche le trou du souffleur.

MM. Vauchelet, Alaux, Caminade, Rouillard, Saint-Èvre, Le-