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de nombreux projets de réformes administratives et politiques, s’adressa au conseil de Brabant, qui s’était attribué le droit de vider les conflits entre l’autorité royale et les nations. Il en obtint deux décrets, qui l’autorisaient à se passer du consentement des doyens, en se bornant au suffrage des deux premiers membres du conseil municipal, c’est-à-dire du magistrat et du large conseil. Cette décision jeta Bruxelles dans une violente agitation. La force armée voulut en vain réprimer les manifestations populaires ; elle dut évacuer ses postes et se retirer dans le Parc.

Cette retraite laissa le peuple maître de la ville, et le marquis de Prié fut contraint d’autoriser la prestation du serment selon l’ancienne formule. Ce fut pour la multitude le sujet d’une grande joie. Une foule délirante de bonheur et de fierté parcourut les rues, en portant des branches de laurier, et poussant des cris de victoire. Le lendemain, à la pointe du jour, le drapeau des nations flottait sur la haute tour de l’hôtel-de-ville au pied de la statue rayonnante de saint Michel, et la garde bourgeoise la saluait par des salves d’artillerie.

Des désordres, inséparables de toutes les commotions de ce genre signalèrent le triomphe du peuple brabançon, qui soulevait pour un jour la pierre de son sépulcre. Les maisons de quelques impérialistes furent saccagées, et le peuple se vengea à sa manière, comme un enfant furieux. Cependant des troupes nombreuses étaient entrées à Bruxelles, et le courage était revenu au gouverneur avec la force. Il crut cependant devoir user de stratagème : les quatre doyens les plus influens, Anneessens, fabricant de chaises, syndic de la nation de Saint-Nicolas, Lejeune, de Haeze et Vanderborcht, furent attirés chez le colonel d’un régiment autrichien, sous prétexte de quelques ouvrages relatifs à leur profession, et jetés dans un cachot. Une procédure s’instruisit à huis-clos ; tous les ordres de l’état, le clergé en tête, le magistrat de Bruxelles lui-même composé d’hommes dévoués au gouverneur, intercédèrent vainement pour les malheureux doyens, notoirement étrangers à toutes les scènes de désordre, et suspects seulement d’avoir dit : « On doit laisser faire l’ancien serment, sans quoi les bourgeois ne déposeront pas les armes. »

Anneessens, à qui la fermeté de son caractère avait déjà valu une autre persécution, fut condamné à être décapité ; les autres doyens furent bannis à perpétuité. Sept individus, convaincus d’avoir excité les désodres, furent pendus ; un plus grand nombre fut incarcéré et fustigé en place publique.

Anneessens, vieillard septuagénaire, monta les marches de l’échafaud avec un front calme et serein ; il demeurait les yeux fixés sur l’hôtel-de-ville. Son confesseur l’exhortant à ne les plus tourner que vers le ciel : Ces degrés me rappellent, dit-il, combien de fois je les ai montés pour la