de confiance qu’il avait exigés et dont il n’a pas fait l’usage qu’on attendait de lui. L’état pitoyable où se trouvait l’Espagne quand M. Mendizabal vint se placer à la tête du ministère n’a pas beaucoup changé, il est vrai ; mais M. Mendizabal n’a pas moins fait des efforts inouis pour l’en faire sortir, et en certaines choses il avait réussi. D’abord il avait créé le pouvoir, qui n’existait pas en Espagne, même de nom ; il avait dissipé les juntes menaçantes et apaisé ces soulèvemens de villes qui se remontrent déjà aujourd’hui ; il avait lutté avec avantage contre les dernières influences du clergé ; il s’était même créé assez habilement quelques ressources financières ; mais il avait promis plus encore, et ces promesses un peu fanfaronnes ont aidé M. Isturitz et M. Alcala Galiano à le renverser. Ce changement de ministère offre une singularité qui n’a pas été assez remarquée. M. Mendizabal est un homme politique d’un esprit résolu, mais d’opinions très modérées. Pour sa part, et comme citoyen espagnol, le statut royal lui eût suffi. C’est un homme qui est frappé surtout des avantages de la prospérité matérielle, et dont l’esprit industrieux et inventif s’entend fort bien à faire naître cette prospérité. Sous ce rapport, M. Mendizabal possède un côté du génie de Pombal ; mais l’Espagne ne ressemble guère au Portugal tel qu’il était alors, et c’est un Ximénès qu’il lui faudrait. Or M. Mendizabal n’est rien moins que cela. Il eût été, en temps de paix, un grand ministre des finances et du commerce, mais ce n’était pas le premier ministre qui convenait dans un temps de guerre civile et de révolution. Voulant la paix et l’ordre avec une somme très modérée de liberté, M. Mendizabal n’avait imaginé d’autre moyen que la dictature pour arriver à ce résultat ; très disposé à s’en tenir au statut royal et à le maintenir comme loi suprême de la nation, il voulait préalablement s’affranchir des obligations de ce statut et s’en écarter provisoirement, même sans proposer des lois pour le suspendre ; en un mot, il se sentait le besoin de forces extra-légales pour faire triompher un système de légalité et de modération. M. Isturitz et M. Galiano, ainsi que le ministre actuel de l’intérieur, M. Angel Saavedra, aujourd’hui duc de Rivas, appartiennent aux opinions politiques les plus avancées de l’Espagne. M. Saavedra, jeune homme distingué, était un cadet de famille, sans fortune, que la mort de son frère aîné a élevé inopinément à la grandesse. Ses opinions tenaient de sa situation, elles étaient démocratiques ; et nous n’avons pas de raisons de croire qu’elle ne le soient plus aujourd’hui, car le duc de Rivas est un homme d’un esprit logique et droit, qui n’a pas légèrement embrassé la foi politique qu’il a si courageusement défendue. M. Galiano avait rédigé les éloquentes protestations de l’île de Léon ; il était, ainsi que M. Isturitz, l’ami de Riégo et de Quiroga. Le ministère actuel est cependant formé dans une pensée de résistance. Il faut que les rôles aient été intervertis, et que la pensée de s’emparer du pouvoir ait modifié ici quelques opinions. On ne saurait expliquer autrement la situation des nouveaux ministres, qui se sont mis si énergiquement en opposition avec le parti Caballero et la majorité de la chambre des procuradorès, qu’ils viennent de dissoudre. Rien n’a fait fléchir M. Isturitz dans sa détermi-
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