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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/69

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VOYAGES DE GABRIEL PAYOT.

J’avais gagné un pari sur le premier philologue de France, qui avait pris un nom propre pour une épithète.


Il y a quelques jours qu’en décachetant les milliers de lettres qui m’avaient été adressées par ceux qui s’obstinaient à me croire fort confortablement à Montmorency, tandis que je mourais à peu près de faim à Syracuse, j’en vis une portant le timbre de Sallanche. Je reconnus l’écriture de Balmat, et je l’ouvris. — Voici ce qu’elle contenait :


« Je profite de l’occasion d’un monsieur docteur de Paris, qui vous connaît parfaitement, pour vous écrire cette lettre, et pour vous remercier de votre volume d’Impressions de Voyage et de la Minéralogie de Beudant, que vous m’avez envoyés par Gabriel Payot. Ce dernier ouvrage me sera bien utile, vu que j’ai trouvé, comme je le disais, un filon d’or qui doit me conduire à une mine ; et, comme le temps est beau, je pars demain à sa recherche.

« J’ai l’honneur de vous saluer, avec mille remerciemens,

« Jacques Balmat, dit Mont-Blanc. »


« P. S. À propos, j’oubliais de vous dire qu’en arrivant à Chamouny, Gabriel Payot avait fait une chute et s’était tué. »


La lettre me tomba des mains. Voilà donc pourquoi il était si pressé de retourner au pays cet homme ! Je poussai du pied la corbeille où était toute ma correspondance, et je dis à un ami qui était là de continuer pour moi. Au bout de cinq minutes, il me donna une seconde lettre ; elle était, comme la première, au timbre de Sallanche ; je l’ouvris, et je lus :


« Monsieur,

« Je vous dirai avec bien du chagrin que c’est moi qui ai reçu la lettre que vous aviez écrite à mon père, attendu que le digne homme n’était plus de ce monde quand elle est arrivée à Chamouny. Comme je sais l’intérêt que vous lui portiez, je vous adresse tous les détails que nous avons pu recueillir.

« Le 14 septembre de l’année dernière, et le lendemain du jour où