Charles Cornic était né à Morlaix[1]. Tout jeune, il commanda les corsaires de son père, et parcourut les mers de l’Inde, battant les Anglais et ruinant le commerce de la Compagnie. C’était ainsi que commençaient alors tous ces vaillans hommes de mer qui, comme Jean Bart, Duguay-Trouin et Desessarts, n’avaient à faire graver dans leur écusson roturier qu’une boussole et une crosse de pistolet. Charles Cornic se rendit si redoutable dans ses croisières, que le ministre de la marine, qui entendait sans cesse répéter ce nom, consentit à l’essayer. Mais le faire ainsi de prime abord officier de la marine royale, sans autre titre que de sa gloire, eût été une énormité capable de soulever toute la noblesse. Le ministre n’osa se permettre un tel abus de pouvoir. Il donna à Cornic le commandement de la frégate la Félicité, avec une simple commission de lieutenant de frégate, qui le laissait en dehors du corps de la marine. Cornic s’en inquiéta peu. Il avait un navire sous ses pieds et le pavillon de France à sa drise ; il n’en demandait pas davantage. Il part pour escorter le Robuste qui se rendait à la Martinique, rencontre le corsaire anglais l’Aigle, fort de vingt-huit canons, l’attaque, l’aborde, le prend après une demi-heure de combat. De retour en France, et prêt à entrer à Brest, il trouve l’Iroise bloquée par une escadrille anglaise. Cornic assemble son équipage, composé tout entier de Bretons. — Garçons, leur dit-il dans leur langue, nous avons là sous notre vent un vaisseau, une frégate et une corvette qui ne veulent pas nous faire place ; mais la mer et le soleil sont à tout le monde. Vous devez être pressés d’embrasser vos mères et de faire danser vos bonnes amies aux pardons : nous allons passer droit notre chemin, comme de vaillans gars et sans regarder derrière. Derrière c’est la mer, et devant c’est le pays.
- ↑ Ces détails authentiques ont été recueillis par nous sur des papiers de famille et des notes fournies par M. Jamin de Morlaix, l’un des descendans de Charles Cornic.