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succession d’Espagne, à laquelle la belle introduction et les savans travaux de M. Mignet ont donné une haute importance. M. Francisque Michel, chargé par le ministre de l’instruction publique, pendant les trois années qui viennent de s’écouler, d’explorer les bibliothèques de l’Angleterre, pour y recueillir les poèmes en vers français qui manquent à nos collections, a transcrit deux ouvrages, qu’il vient de publier, en attendant les grands poèmes, dont le gouvernement a ordonné l’impression. Dans le premier, il a réuni tout ce qui reste des anciens poèmes inspirés par les aventures amoureuses du beau Tristan, le héros romanesque du moyen-âge. Ces fragmens, reproduits avec tout le luxe des belles éditions anglaises, sont accompagnés d’éclaircissemens qui peuvent en faciliter l’intelligence. Nous avons surtout remarqué un glossaire des mots du vieux français, qui n’avaient pas encore été convenablement expliqués. Si l’on doit faire un reproche à l’éditeur, c’est d’avoir supposé à ses lecteurs la science polyglotte, qu’il paraît posséder, et d’avoir négligé de traduire les textes anglais, allemands, espagnols, grecs, etc., qu’il se plaît à prodiguer.

Le second recueil publié par M. Francisque Michel est intitulé : Chroniques anglo-normandes. Il a eu l’heureuse idée de réunir sous ce titre divers textes inédits destinés à servir d’appendice à l’un des beaux monumens historiques de notre siècle, l’Histoire de la conquête de l’Angleterre par les Normands. On saura gré à M. Michel d’avoir publié des détails enfouis dans les bibliothèques anglaises, sur quelques-uns des personnages illustrés par les récits de M. Thierry. Les chroniques anglo-normandes doivent avoir deux volumes. Le premier seul a paru. Il contient un extrait de la chronique de Geoffroi Gaimar, un extrait de la continuation anonyme du roman de Brut, la vie de saint Édouard, un extrait de la chronique de Pierre de Langloff, et enfin un extrait de l’Histoire et la généalogie des dux qui ont esté en Normandie, par Benoît-de-Sainte-More. Le morceau capital du volume est celui de Gaimar. Ce trouvère anglo-normand du xiie siècle a composé en vers une chronique des rois d’Angleterre, depuis l’arrivée des chefs saxons jusqu’à Guillaume, fils du conquérant ; et c’est la dernière partie de cette chronique que M. Michel a insérée dans son recueil. L’épilogue n’en est pas le morceau le moins curieux ; il donne des détails précieux, et que l’on trouve trop rarement dans les poèmes de cette époque, sur la manière dont Gaimar avait composé son récit, sur les livres de tous genres, anglais, français et gallois, qu’il avait réussi à se procurer. L’extrait de Benoît de Saint-More a moins d’importance historique, parce que le trouvère normand, dans cette partie de sa chronique, a presque toujours traduit et mal traduit Orderic Vital. Nous aurons, d’ailleurs, occasion de revenir