Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 7.djvu/622

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
618
REVUE DES DEUX MONDES.

nuit, les rues étroites, et surtout les ponts sans garde-fous, d’où l’on peut pousser un homme dans la mer sans qu’il s’en aperçoive, il n’arrive pas quatre accidens par an, encore n’est-ce qu’entre étrangers. Vous pouvez juger par là combien les idées que l’on a sur les stylets vénitiens sont mal fondées. Il en est à peu près de même de leur jalousie pour les femmes. Cependant cela mérite explication… » Nous résistons à l’envie de citer. Il y a d’ailleurs, au sujet des femmes italiennes, des explications qui pourraient être déplacées ici, mais que le voyageur sait faire accepter à force d’esprit.

vi. — LITTÉRATURE.

Ainsi que nous l’avons dit plus haut, les romans, les poésies, et une foule de compositions capricieuses, qu’on ne sait à quel genre attribuer, tiennent une large place dans l’inventaire général. Il est assez difficile d’estimer ces fruits bigarrés de l’imagination. S’ils ont quelque saveur, c’est surtout pour ceux qui les dévorent dans leur primeur. Mais trop souvent ils sont fanés et affadis quand vient la critique réfléchie, qui, pour les productions de cette nature, arrive toujours trop tard. Les œuvres poétiques ou romanesques, dignes d’une étude littéraire, ne sont jamais que des exceptions. Les plus remarquables du semestre ont été caractérisées à leur apparition par quelques-unes de ces pages que nos lecteurs n’oublient pas, et qui ne nous laissent rien à dire du Jocelyn de M. de Lamartine, de la tentative épique de M. Quinet, de la Confession d’un enfant du siècle, de M. Alfred de Musset. Si la Revue n’a pas encore parlé du Chemin de traverse, c’est qu’elle se propose, à l’occasion de cet ouvrage, de revenir sur les précédens travaux de M. Janin, sans même excepter l’œuvre polémique, où éclatent souvent les heureuses saillies de son talent.

M. Alphonse Karr a donné deux volumes qu’il lui plaît d’appeler : Le Chemin le plus court[1]. Hâtons-nous de déclarer que son livre est spirituel, varié, souvent gracieux, et, pour tout dire en un seul mot que nos auteurs ont laissé vieillir, amusant. Il ne faut pas d’ailleurs appliquer contre lui la loi d’après laquelle on juge les romans. Sa constitution un peu faible ne subirait pas sans danger l’opération analytique. Son titre n’est justifié que par un imperceptible incident. L’auteur n’emploie pas l’échafaudage scénique qui soutient d’ordinaire les compositions romanesques. Il dédaigne les contrastes de caractères, les ressources du mystérieux et de l’imprévu. S’il fallait spécifier sa manière, nous ne saurions que rappeler celle des peintres flamands, qui, fort peu préoccupés de l’ensemble, épar-

  1. Chez Gosselin, rue Saint-Germain-des-Prés, 9.