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LA PRESSE EN ANGLETERRE.

La clientelle d’un journal en France lui donne de l’influence, du pouvoir ; la clientelle d’un journal en Angleterre lui procure des annonces, c’est-à-dire de l’argent. Les annonces couvrent ordinairement les frais d’impression et de rédaction ; c’est la vente des numéros qui fait le bénéfice de l’entreprise. Le Times reçoit pour 100,000 liv. sterl. d’annonces ou d’avertissemens par année (2,500,000 fr.) ; le Morning-Herald, la plus vieille machine de cette presse, en compte à peu près la moitié, tandis que le Morning-Chronicle et le Standard, feuilles de meilleure compagnie dans des opinions opposées, ne retirent pas de cette branche de revenu un bénéfice proportionné à leur influence politique. Ainsi, plus la rédaction d’un journal s’élève, moins l’entreprise s’enrichit.

Le droit sur les annonces, qui était dans le principe de 3 shillingpence par article (4 fr. 40 c.), fut réduit, en 1833, à un shilling et demi. Par suite de la réduction, le revenu sur cet impôt diminua de plus de 2,000,000 de fr. ; le nombre des annonces insérées dans les papiers publics s’accrut très faiblement, et à peine dans la proportion d’un sixième pour les journaux solidement établis. Le prix des avertissemens demeurait encore trop au-dessus des facultés du petit commerce et des petites industries.

Est-il possible d’établir en France une presse d’annonces comme la presse anglaise ? Quand nos mœurs le permettraient, le commerce des avertissemens peut-il devenir le substratum d’un journal ? On le croira difficilement. Rien ne se ressemble moins que la France et l’Angleterre à cet égard. Les Anglais croient à l’annonce, c’est pour eux une foi vive et universelle ; les avertissemens n’ont pas moins de lecteurs que les nouvelles politiques, toutes les industries et tous les commerces y ont recours. Avec cette multiplicité et cette activité d’affaires ils ont besoin d’apporter une stricte économie dans la distribution du temps. L’affiche est une nécessité pour eux, parce qu’elle l’abrège, comme les communications rapides, comme les voitures qui font quatre lieues à l’heure, et comme les chemins de fer. Toutes les affaires se traitent en Angleterre sur étiquette, et l’annonce dans les journaux est la conséquence du même système qui a introduit l’usage des warrants dans les docks. Parcourez les rues de la Cité, le vitrage de chaque magasin est bordé d’annonces comme les pages du Times ou du Morning-Advertiser. L’affiche court les rues sur les éventaires des marchands ambulans,