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s’échappe ; comme la crasse des lingots de fer ; puis la lave plus ferme et plus compacte ; puis le basalte serré, luisant, poli comme le marbre ; puis enfin l’obeidien, noir comme le jais, brillant comme le verre, dégagé de tout alliage étranger, et sortant du cratère pur comme l’acier.

Après deux heures de marche, nous mîmes pied à terre, et alors vint la fatigue. Comme il avait fallu nous précautionner contre la neige et le froid, nous portions de grosses bottes et de lourds vêtemens. Le chemin était escarpé, raboteux, montant en droite ligne ; nous marchions en courbant le dos, et en nous appuyant sur nos genoux. Bientôt nous arrivâmes au pied d’une montagne hérissée de pointes de basalte et de blocs de pierre détachés du sol. Là, rien ne soutenait nos efforts ; quand nous posions le pied sur un roc, il s’écroulait sous nous ; quand nous croyions marcher en avant, nous redescendions avec les pierres qui suivaient l’ébranlement que nous leur donnions, et nous entraînaient dans leur chute. Pas un arbuste n’était là pour nous servir d’appui, pas une plante à laquelle nous pussions nous cramponner. Tout ce roc escarpé était comme une muraille nue et vacillante, qui semblait s’en aller en morceaux quand nous essayions de la gravir. À chaque instant, il fallait nous arrêter pour nous reposer et reprendre haleine. Quelques-uns de nos compagnons de voyage qui avaient été sur des montagnes beaucoup plus élevées, nous disaient n’avoir jamais éprouvé une telle fatigue. Pour moi, je me couchais tout au long sur les rochers de basalte, et en étendant les jambes sur cette pierre froide, j’éprouvais une douleur comme si on me les eût brisées. Lorsque enfin nous fûmes arrivés au sommet de cette pointe aiguë, nous en vîmes s’élever une seconde devant nous, et après celle-ci une troisième, car toute la montagne n’est qu’une longue suite de pics escarpés étagés l’un sur l’autre, et fuyant comme des gradins.

Pendant que nous accomplissions ainsi péniblement notre ascension, le ciel s’était assombri. Le vent sifflait ; la pluie tomba à flots, et, un peu plus haut, cette pluie était de la neige. Alors une brume épaisse enveloppait la montagne ; un rideau de nuages nous serrait dans ses sombres replis, et nous ne distinguions plus rien autour de nous. Notre guide, las et découragé, refusait d’aller plus loin. Nous n’étions encore que sur le premier cône de l’Hécla ; nous voulions continuer notre route jusqu’au bout. Après avoir employé toute notre éloquence de voyageurs, nous finîmes par le décider à nous mener jusqu’au pied du second cône ; là, nous demandâmes à aller au milieu, puis au-dessus, et enfin sur la cime de l’Hécla. L’orage avait cessé. Un rayon de lumière perçait à travers les brouillards ; mais c’était ce rayon de lumière qui ne sert qu’à faire mieux ressortir l’obscurité. Nous distinguions au-dessous de nous les montagnes comme des masses confuses, la plaine couverte d’une brume épaisse, et à