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DE LA PRÉSIDENCE AMÉRICAINE.

cependant il est le candidat de la démocratie, tandis que M. Clay, le fils de l’Ouest, qui est tout aussi à l’aise dans un bar-room (cabaret) que dans l’enceinte du sénat, qui sait faire vibrer la fibre du plus grossier farmer, tout comme celle de l’homme le plus cultivé, qui est modeste dans sa mise, et vit, comme il le disait dans un discours sur les traitemens des fonctionnaires, de porc salé et de choux, passe pour un aristocrate.

M. Van Buren, s’il est élu, sera le premier homme du Nord que le Sud aura porté à la présidence. Depuis quarante-huit ans que la constitution est en vigueur, le fauteuil présidentiel n’a été que huit ans occupé par des hommes du Nord, les deux Adams père et fils, les deux seuls présidens qui n’aient fait qu’un terme ; repoussés par le Sud à leur première élection, ils échouèrent par l’opposition du Sud quand ils se présentèrent pour un second terme. Les états du Sud, qui craignent l’intervention du Nord entre les esclaves et les blancs, ont eu soin de multiplier les garanties à leur propre avantage. Ils ont toujours tenu à ce que les états à esclaves fussent en majorité[1], et, par conséquent, dominassent dans le sénat où les états figurent sur le pied d’égalité. Ils ont toujours attaché beaucoup de prix à ce que le président sortît de leur sein. Il est curieux qu’en ce moment, où l’esclavage est plus que jamais l’objet de vives attaques, et où l’Angleterre, en le supprimant dans l’archipel des Antilles, à la porte des états du Sud, cause à ceux-ci de mortelles inquiétudes, ils se départent de la règle qu’ils s’étaient fixée et qu’ils préfèrent M. Van Buren à M. Clay du Kentucky, à M. Calhoun de la Caroline du Sud, à M. White du Tennessée, ou même au général Harrison, qui est Virginien de naissance. M. Van Buren a donné, il est vrai, des gages de son opinion sur l’esclavage ; depuis long-temps il s’est appliqué à rassurer les états du Sud sur toute intention émancipatrice ou abolitioniste qu’on aurait pu lui supposer. Il s’est formellement prononcé contre l’abolition de l’esclavage dans le district fédéral. Il n’y a dans ce district, fort resserré d’ailleurs[2], que six mille esclaves ; mais

  1. Sur vingt-six états, il y en a en ce moment quatorze où l’esclavage est reconnu. Il est vrai que l’un des états à esclaves, celui de Delaware ne l’est presque que théoriquement. Il compte vingt-deux personnes libres pour un esclave.
  2. C’est exactement un carré dont le côté est de quatre lieues. On y compte en tout 40,000 habitans, presque tous renfermés dans les trois villes de Washington, Alexandrie et Georgetown.