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nous semble, à l’en remercier. Non pas que les Fleurs du Midi de Mme Louise Colet ne soient un volume de vers fort estimable ; mais véritablement il ne l’était pas assez pour que nous fussions mis en demeure de l’admirer de par l’autorité du chantre des Martyrs.

Ce qu’il convient d’approuver chez Mme Louise Colet, c’est une remarquable facilité de versification, le nombre, l’harmonie, l’heureuse entente des rhythmes divers ; ce qu’il n’est pas permis de lui pardonner, c’est l’application presque exclusive de ces qualités à des textes communs et usés ; l’absence totale de la sensibilité vraie. Il faut bien le dire, la corde douloureuse ne vibre pas non plus dans ses vers vêtus de deuil par pure coquetterie. Cette dame se désespère indéfiniment parce que ses jours sont voilés de tristesse, parce qu’elle est destinée à souffrir et que le bonheur la fuit ; que sais-je encore ? parce que Dieu a pétri son ame d’amour et de poésie, et qu’elle doit lutter seule avec ce double feu :

Seule sans rencontrer la source où l’on s’étanche,
Seule sans une autre ame où son ame s’épanche.

Mme Louise Colet souhaiterait de ces malheurs puissans qui éprouvent ici-bas le poète pour le régénérer ; mais elle est excédée des souffrances vulgaires que le monde ne prend point en pitié. Elle ne se résigne pas à voir pâlir son printemps comme pâlit l’automne. Enfin sa grande douleur, par-dessus toutes les autres, c’est de vivre, l’ame ardente de foi, dans un siècle incrédule.

En vérité, ces recoins obscurs des souffrances vagues du cœur ont été si profondément fouillés par les poètes éminens de l’époque ; tant de moyens, de petits et de tout petits poètes ont chanté sur cette gamme depuis quinze ans, que l’air n’est plus tolérable, quelles que soient l’élégance et la grace des variations qu’on y introduit. Au lieu de nous assoupir avec toute cette musique somnifère, que Mme Louise Colet ne se bornait-elle à donner de ces jolies pièces sveltes et délicates qu’elle achève si bien. Son bouquet des fleurs du midi serait plus joli s’il n’était formé que de sonnets comme la Demoiselle et Isola bella. Il n’eût pas fallu surtout y mettre la Boutade contre la raison et le Portrait. Ce sont là des vieilleries qui ont peut-être cours encore en province, mais non plus à Paris, même dans la littérature de l’Almanach des Muses.

Les Poésies du cœur de Mme Mélanie Waldor s’efforcent au moins de répondre à leur titre. Cette dame ne fait pas un si grand abus que Mme Louise Colet du luth, de la lyre et du délire. Elle ne s’essouffle pas autant à appeler la gloire et à crier son enthousiasme par-dessus les toits. Sa douleur est aussi plus à la portée de notre pitié. Elle daigne nous dire les raisons qu’elle a d’être triste et de s’affliger. Mme Mélanie Waldor