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que l’expérience elle-même en conseille l’adoption. Il y a deux ans qu’en revenant d’Espagne, tout préoccupé de l’importance d’une guerre dont on ne comprenait encore bien ni la nature, ni la portée, je hasardai, l’histoire à la main, la première ouverture de ce moyen de pacification. Le temps n’était pas venu de le faire comprendre. Aujourd’hui que les évènemens ont marché, et que la nécessité d’une conclusion devient plus pressante, peut-être cette proposition, mieux développée, et fortifiée d’ailleurs par une expérience nouvelle, trouvera-t-elle toute l’attention qu’elle mérite.

Pour être clair, intelligible et bien compris, il faut d’abord retracer sommairement la situation où le soulèvement de 1833 a trouvé les provinces insurgées. Qu’on me permette donc une citation, prise dans les Études sur l’histoire des institutions en Espagne.

« Jusqu’au xive siècle, les trois provinces basques, Alava, Guipuzcoa et Biscaye, formées de l’ancienne Cantabrie, et qui avaient échappé à la conquête des Goths et des Arabes, comme à celle des Romains, restèrent complètement indépendantes de tout pouvoir étranger. Confédérées entre elles, et portant sur leur étendard trois mains sanglantes, avec la devise Irurakbat (les trois n’en font qu’une), elles élisaient un seigneur, national ou étranger, qui n’exerçait qu’une autorité viagère et purement exécutive, sous le contrôle des assemblées nationales. Ce fut en 1332 que les députés des provinces allèrent offrir au roi de Castille, Alphonse-le-Justicier, qui se trouvait alors à Burgos, le titre de seigneur, consentant à ce que ce titre fût désormais annexé à la couronne de Castille. Mais les trois petits peuples vascons (vascongados), tout en se donnant un suzerain, un protecteur, n’aliénèrent point leur indépendance, et firent au contraire à ce sujet les réserves les plus formelles. Ainsi, dans le traité qui intervint entre eux et le roi, ils poussèrent les précautions jusqu’à stipuler que le roi ne pourrait bâtir, ni posséder sur leur territoire aucune peuplade (pueblo), aucune forteresse, aucune maison. Leurs fueros, que le roi-seigneur jurait de maintenir, se terminaient par cet article : « Nous ordonnons que si quelqu’un, soit national, soit étranger, voulait contraindre quelque homme, ou femme, ou village, ou ville, à quoi que ce soit, en vertu de quelque mandat de notre seigneur-roi de Castille, que n’aurait point admis et approuvé l’assemblée générale, ou qui serait attentatoire à nos droits, libertés, fran-