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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 10.djvu/157

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SALON DE 1837.

n’est-ce qu’une mode qui doit passer comme l’amour du grec et du romain, l’idolâtrie du moyen-âge ; un effet de la mobilité française, qui ne sait à quoi se prendre et se tenir, qui va suçant la fleur de toutes les idées et buvant au calice de tous les systèmes ? Quoi qu’il en soit, et quoi qu’il en advienne, il était de notre devoir de présenter ce mouvement aux yeux de nos lecteurs ; et pastiches ou non, de constater qu’il n’y a guère eu depuis long-temps aux expositions annuelles du Louvre un aussi grand nombre de tableaux inspirés par la Bible et l’Évangile. Maintenant nous pouvons descendre dans l’arène.

On sait de quels combats ce lieu a été témoin ; combien il a fallu d’efforts à David pour détrôner Boucher et Watteau ; combien de temps l’arbre de la peinture impériale a résisté avec toutes ses branches au choc impétueux de la nouvelle école ; comme à son tour, M. Delacroix et ses amis ont vu leurs rangs s’éclaircir et leur force diminuer devant le pinceau d’un ancien élève de David, retrempé dans l’air natal de Raphaël, et combien M. Ingres lui-même a de la peine à maintenir son pavillon et son système. On connaît toutes ces luttes, tous ces triomphes et toutes ces défaites qui ont occupé les plus heureuses années de la restauration et les deux ou trois premières expositions après la révolution de juillet. Eh bien ! quoique le Salon ne soit plus qu’un champ de paix et de tolérance, au lieu d’être un champ de bataille, la querelle n’est pas terminée ; les deux génies de la peinture, le dessin et la couleur, n’en continuent pas moins une guerre sourde, où l’un tâche d’anéantir l’autre, où le premier cependant semble prendre, d’année en année, de nouveaux avantages. Qui l’emportera, d’Overbeck et de M. Ingres, ou de Rubens et de M. Delacroix ? David reviendra-t-il régner en maître sur le trône de l’art ? le dessin chassera-t-il la couleur comme une vaine fumée, une vaine illusion ? La question est assez importante pour qu’on s’en occupe. Nous allons voir, par l’analyse des principaux ouvrages du Musée, si l’exposition de cette année peut la résoudre.

Nous commencerons par nous occuper de la peinture qui exige le plus d’études, d’imagination et de puissance d’exécution, la peinture historique et religieuse. Viendront ensuite les autres genres sur lesquels nous nous étendrons suivant l’intérêt qu’ils pourront présenter.