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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 10.djvu/165

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SALON DE 1837.

vation de la pensée, dans ce tableau, promettent un avenir glorieux à son jeune auteur.

Si M. Bendemann a rendu le lyrisme de la Bible avec les formes un peu conventionnelles de l’école, M. Lessing, auteur du Serment d’un Hussite, est entré dans l’histoire de l’Allemagne par la route des vieux maîtres allemands. Les groupes des Hussites, chevaliers, paysans, femmes et enfans, qui entourent leur coreligionnaire élevé sur un tertre et jurant, sur un calice, haine aux ennemis de sa foi, rappellent, par la rudesse et l’âpreté du dessin, les énergiques compositions d’Albert Durer. Cependant l’auteur n’appartient pas directement à l’école de Cornelius, il ne remonte pas, comme cet homme célèbre, avec une fidélité rigoureuse, aux vieux maîtres de l’art ; il conçoit la peinture de l’histoire avec un sentiment plus moderne, et en ce sens nous trouvons sa marche bonne et convenable. C’est ainsi que M. Begas de Berlin comprend aussi la peinture. Son Empereur Henri IV, pieds nus, et faisant pénitence d’église devant la porte du château de Grégoire VII à Canossa, offre, il est vrai, une composition toute pyramidale ; mais il y a un dessin juste, et un sentiment de couleur fin et vrai que l’on n’est pas accoutumé de rencontrer dans les sectateurs de l’école de Munich. Les trois derniers ouvrages dont nous venons de parler appartiennent à l’Allemagne, qui a bien voulu les envoyer au Musée parisien. Quoique ce ne soient pas là les plus excellentes choses que ce pays possède, ces tableaux, nullement inférieurs aux meilleurs de l’exposition française, ne s’en retourneront pas à Berlin sans avoir été de quelque profit et de quelque utilité pour nous. Ils nous montreront d’abord comment, de l’autre côté du Rhin, on conçoit l’art, avec quelle vigueur on cultive le dessin ; puis ils nous apprendront comment on sait échapper aux liens impitoyables des systèmes, et revenir à sa nature et à son individualité.

Pourquoi M. Flandrin, l’auteur du bon tableau des Envieux, n’a-t-il pas persévéré dans la route qui s’ouvrait devant lui ? Pour quoi est-il retombé si tristement sous le joug du maître ? Certainement on ne peut pas s’absorber plus complètement dans la manière de M. Ingres, qu’il ne l’a fait dans sa peinture de Saint Clair guérissant les aveugles. À voir le profil des têtes, le dessin et la couleur, on dirait une œuvre sortie de la main même du direc-