Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 10.djvu/171

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
161
SALON DE 1837.

caisne ne présente pas grand intérêt ; c’est l’Arrivée d’Henriette d’Angleterre à la cour de France. Cependant il en a tiré tout le parti possible, il a su répandre du charme dans cette collection de portraits, et colorer d’une manière très fine la tête de Louis XIV enfant.

Si l’histoire a fourni quelquefois de bonnes inspirations à nos peintres de genre, nos poètes modernes ne sont pas aussi heureux. M. de Lamartine aurait de la peine peut-être à reconnaître dans les compositions tirées de son poème, Laurence et Jocelyn ; M. Hugo ne retrouverait pas sans doute, comme il les a conçus, Phœbus et les belles dames de son roman de Notre-Dame ; il n’y a que M. de Vigny qui ait lieu d’être un peu plus content, et qui pourrait sourire à la jolie petite paysanne Pierrette que M. Année a peinte avec une naïveté et une fraîcheur de coloris qui fait penser aux charmantes créations du pinceau de Greuze.

La Bretagne a fait éclore aussi plusieurs scènes de la vie rustique, mais beaucoup d’entre elles nous semblent prises avec exagération. Il est difficile de bien rendre les choses naïves, surtout lorsqu’on veut leur donner plus de caractère qu’elles n’en ont. On tombe alors dans la caricature ou la grossièreté. Voilà ce que l’on pourrait dire au peintre des Sonneurs bretons. Nous aimons à croire qu’il aurait été plus vrai et tout aussi naïf dans l’expression de sa danse champêtre, s’il avait compris la Bretagne et ses mœurs comme l’auteur du poème de Marie, M. Brizeux ; il aurait vu sur

La terre de granit recouverte de chênes
autre chose que d’informes paysans ; il aurait vu une forte race, la race des vieux Sabins de la France, âpre, sauvage peut-être, mais noble et imposante dans sa vie et son costume. Il est juste de ne point confondre avec l’auteur du précédent tableau MM. Longuet et Fouquet. Leurs intérieurs bretons se font remarquer par un sentiment plus vrai du pays et par une bonne couleur. La Mort de la femme du saunier, de l’un, est d’une effrayante simplicité ; le Départ pour le baptême, de l’autre, est une composition naturelle et agréable. Nous les engageons tous les deux à persévérer dans leurs études et à reproduire consciencieusement les vieilles mœurs de la terre celtique.

Passer de la Bretagne aux côtes d’Afrique, est un voyage peut être un peu rapide ; néanmoins, tout en n’établissant aucun rap-