Je connais M. de Chavigny plus qu’il ne pense ; il est méchant, mais il n’est pas mauvais. Il aura agi par boutade ; avez-vous pleuré devant lui ?
Oh ! non, jamais.
Vous avez bien fait ; il ne m’étonnerait pas qu’il en fût bien aise.
Bien aise ? bien aise de me voir pleurer ?
Eh ! mon Dieu ! oui, j’ai vingt-cinq ans d’hier, mais je sais ce qui en est sur bien des choses. Comment tout cela est-il venu ?
Mais… je ne sais…
Parlez. Avez-vous peur de moi ? je vais vous rassurer tout de suite ; si pour vous mettre à votre aise, il faut m’engager de mon côté, je vais vous prouver que j’ai confiance en vous, et vous forcer à l’avoir en moi ; est-ce nécessaire ? je le ferai. Qu’est-ce qu’il vous plaît de savoir sur mon compte ?
Vous êtes ma meilleure amie ; je vous dirai tout, je me fie à vous. Il ne s’agit de rien de bien grave ; mais j’ai une folle tête qui m’entraîne. J’avais fait à M. de Chavigny une petite bourse en cachette, que je comptais lui offrir aujourd’hui ; depuis quinze jours je le vois à peine ; il passe ses journées chez Mme de Blainville. Lui offrir ce petit cadeau, c’était lui faire un doux reproche de son absence, et lui montrer qu’il me laissait seule. Au moment où j’allais lui donner ma bourse, il a tiré l’autre.
Il n’y a pas là de quoi pleurer.
Oh ! si, il y a de quoi pleurer, car j’ai fait une grande folie ; je lui ai demandé l’autre bourse.
Aïe ! ce n’est pas diplomatique.
Non, Ernestine, et il m’a refusé… Et alors… Ah ! j’ai honte…
Eh bien ?
Eh bien ! je l’ai demandée à genoux. Je voulais qu’il me fît ce petit sa-