Vous devinez les applaudissemens qu’un auditoire anglais, ému d’orgueil et de patriotisme, à la fin de la guerre contre Louis XIV, au milieu de l’inquiétude nationale sur la succession protestante, devait prodiguer à ces beaux vers, qui ne sont pas tous fort vrais ; car Rome n’a jamais affranchi les peuples.
Un autre ordre de beautés, que le génie de Shakspeare avait devancé, mais dont l’effet dut être grand, c’était le monologue de Caton sur l’immortalité de l’ame, et cette délibération solennelle avant le suicide.
En tout, cette tragédie offrait, avec quelques beautés neuves, une imitation correcte, mais affaiblie, de la manière de Corneille. Conduite avec peu d’art, dans sa régularité, elle fut un effort remarquable, mais impuissant, pour changer la forme du théâtre anglais, une œuvre de critique, et non de fondateur. Elle ne fut pas inutile à Voltaire, pour le choix des ornemens qu’il a jetés dans ses pièces romaines, Brutus, Catilina, la Mort de César, Rome sauvée. Il en a même emprunté littéralement quelques beaux traits.
Ces vers de la Mort de César :
Nos imprudens aïeux n’ont vaincu que pour lui.
Ces dépouilles des rois, ce sceptre de la terre,
Six cents ans de vertus, de travaux et de guerre,
César jouit de tout, et dévore le fruit
Que six siècles de gloire à peine avaient produit.