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LE PORTUGAL AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

biens et des domaines de la couronne (art. 15), ajoutant qu’elles auraient le droit de prendre toutes les mesures convenables pour l’extinction de la dette publique (art. 15, § 12) ; et, pour ne laisser aucun doute sur la portée d’une pareille stipulation, la charte ajoutait qu’il était interdit au roi d’accorder pour l’avenir d’autres faveurs que des titres purement honorifiques, toutes les pensions à la charge de l’état dépendant de l’approbation de la législature (art. 75) ; elle prohibait le cumul des fonctions publiques, qui était la base et le principe de l’ancienne administration portugaise. Enfin, elle interdisait aux pairs du royaume tout autre emploi que ceux de ministres et de conseillers d’état (art. 131). C’est cette constitution que des soldats, que les trophées de la Granja empêchaient de dormir, ont déchirée naguère, comme trop peu libérale !

Ces dispositions, sérieusement exécutées, auraient sans doute produit, en Portugal, des résultats avantageux ; mais ce qu’on a dit de l’état intérieur du pays a déjà dû faire pressentir les obstacles, pour ne pas dire les impossibilités, qu’une telle réforme devait rencontrer devant elle. L’exécution de certains articles de la charte semblait réduire la noblesse à l’indigence ; car, ruinée par ses désordres et son faste de mauvais goût, elle ne se maintenait guère que par le produit de ses nombreuses commanderies, concédées aux titulaires par la couronne pour une ou plusieurs générations, et dont la charte faisait tout simplement un gage de la dette publique. De son côté, le clergé était blessé, sinon dans sa foi, du moins dans son existence et son autorité politique. La bourgeoisie provinciale surtout, en possession héréditaire des charges de magistrature et d’administration, devait renoncer à tout ce qui créait depuis si long-temps son importance et sa fortune.

Pour mettre en vigueur un pareil système, et pour trancher ainsi dans le vif, il fallait une main de fer ou une révolution. Or, don Pedro, éloigné de deux mille lieues de sa capitale, manquait également et de force morale et de puissance militaire. Il fallait être aussi aveuglé que l’était l’empereur par l’attrait des théories et l’amour propre d’auteur, pour espérer obtenir de tels résultats par la coopération des corps même les plus intéressés à les prévenir. Les hommes de 1820 ne s’y trompèrent pas : ils comprirent dès l’abord que la charte ne pouvait triompher que par eux des obstacles qu’elle allait rencontrer. Aussi, seuls entre tous, l’adoptèrent-ils avec ardeur, et cette adoption même la discrédita promptement dans une partie de la noblesse et du haut clergé, qui paraissait disposée à la soutenir.