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rait et a répété dans ses Remarques que la supériorité de ces vaisseaux sur les vaisseaux russes qu’il a vus, il y a peu d’années, dans la Méditerranée lui a donné sérieusement à réfléchir sur les progrès rapides que les Russes ont faits en aussi peu de temps.

L’officier qui commandait en chef les manœuvres de 1836 est un Anglais qui s’est distingué dans sa jeunesse par quelques entreprises hardies pendant la guerre contre la Suède. On trouve quelques Anglais dans la marine russe, mais en général ils sont avancés en âge.

« D’étranges idées naquirent dans mon esprit, dit M. Craufurd, lorsque je me trouvai, moi Anglais et officier anglais, en mer avec vingt-sept vaisseaux de ligne russes, portant des provisions pour quatre mois, et montés par 30,000 hommes qui étaient peut-être encore meilleurs soldats que marins. Je pensai alors que, pour défendre les côtes et les ports de notre pays, pour protéger sa navigation marchande dans la Baltique, la mer du Nord et le canal Saint-George, nous n’avions pas plus de sept vaisseaux en état de prendre la mer, et encore, je crois, avec des équipages incomplets. J’avouerai que, malgré toute ma confiance dans le génie et l’activité supérieure de mes compatriotes, je ne pouvais m’empêcher de craindre que la souveraineté des mers ne fût près de leur échapper.

« Le lendemain de notre départ, sur l’heure de midi, le vent souffla de l’est en brise légère qui permit à nos vaisseaux de prendre des bonnettes. À la nuit le vent sauta à l’ouest, nous eûmes des rafales, et on fit signal de jeter l’ancre. Le lendemain matin nous reprîmes notre marche, et, le temps étant assez beau, notre corvette passa au milieu de quelques navires. Je montai à bord de plusieurs d’entre eux. Dans l’après-midi nous arrivâmes au lieu du rendez-vous, et la flotte se forma sur trois lignes et en trois divisions, rouge, blanche, et bleue, commandée chacune par son amiral.

« Le jour suivant le temps était froid et désagréable, le vent frais et chargé de pluie ; les navires doublèrent les ris de leurs perroquets. Dans l’après-midi, l’empereur rejoignit la flotte après avoir passé toute la nuit à la mer et avec un mauvais temps. Notre ambassadeur était avec sa majesté, résolu de voir par lui-même, autant que ses souffrances le lui permettraient ; car, si j’ai bonne mémoire, il était malade.

« Le lendemain matin, c’est-à-dire le quatrième jour depuis notre départ, le temps ne paraissant pas vouloir s’améliorer, on fit le signal de rentrer à Cronstadt.

« Quelques instans après midi, le temps étant devenu plus sup-