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poudre, décidés qu’ils étaient à défendre ces derniers princes de la maison de Hapsbourg, auxquels ils étaient attachés par habitude et par instinct.

Joubert, qui de Trente avait pénétré jusqu’au pied du Brenner, mit le premier à l’épreuve la valeur de ces paysans, dont les pères, au commencement du siècle, avaient repoussé Vendôme. Il triompha, à Mülbach, de leur résistance obstinée, les vainqueurs de l’Italie l’emportèrent sur des bandes indisciplinées ; mais si les Tyroliens ne surent pas vaincre, le champ de bataille, couvert des cadavres de ces hommes en vestes brunes, prouva du moins qu’ils savaient mourir.

Speckbaker parut-il dans les rangs des combattans de 1797 ? Nous l’ignorons. Peut-être les levées en masse de son canton n’arrivèrent-elles qu’après la retraite de Joubert par le Pusthertal. Quoi qu’il en soit, s’il prit les armes à cette époque, ce ne fut sans doute que comme simple soldat et obscurément.

Mais quand le traité de Presbourg, en 1805, a livré le Tyrol à la Bavière, quand une administration impolitique, les vexations et le mépris des délégués de Munich ont poussé à bout un peuple qui eut toujours l’étranger en horreur, Speckbaker commence à se montrer, et à résister de toutes ses forces à l’oppression de ses nouveaux maîtres.

Le fameux André Hofer, qui, plus tard, fut généralissime des Tyroliens, était l’ami de Speckbaker : il l’avait rencontré, pendant les premiers jours de l’occupation, à la grande foire de Sterzing. Ces deux hommes avaient aussitôt sympathisé : leurs haines et leurs affections étaient devenues communes ; ils s’étaient compris. Hofer avait dignement apprécié l’audace et l’énergie du caractère de Speckbaker ; Speckbaker, l’autorité mystique, la constance et le puissant bon sens d’André Hofer. Les deux montagnards s’étaient mutuellement avoué leurs espérances et leurs projets ; aussi, lorsque, après son entrevue avec l’archiduc Jean et sa correspondance avec Chasteler, le brave aubergiste du Passeyer-Thal se fut décidé à frapper un grand coup, fit-il entrer aussitôt Speckbaker dans la conjuration des patriotes. Comme il était muni de pleins pouvoirs, il le nomma chef de l’Inn inférieur, et ce fut sur lui qu’il compta pour organiser l’insurrection des montagnards de cette partie du Tyrol.

Speckbaker justifia la confiance de son ami. Grace à son zèle, à son infatigable activité et à sa prudence consommée, avant la fin de la première semaine d’avril 1809, tout était prêt pour un soulèvement général aux environs de Schwatz et de Hall, et les Bavarois ne soupçonnaient rien.

L’Autriche venait de déclarer la guerre à la France ; le jour de l’exécution du complot fut fixé au 10 avril. Chacun des chefs avait sa tâche ; Speckbaker, pour sa part, devait se rendre maître de Hall et des ponts de l’Inn aux environs de cette ville.

La veille du jour arrêté, feignant d’être pris de vin, il engage une vive et joyeuse conversation avec quelques soldats bavarois, et entre avec eux