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SUR LE JUGEMENT DERNIER.

l’originalité est si vive, M. Sigalon a dû éprouver des embarras de toute espèce dans l’exécution de son travail. Tout le monde sait que la fresque est exposée plus que tout autre genre de peinture aux ravages du temps. De plus, les cérémonies religieuses qui ont lieu dans la chapelle Sixtine à diverses époques de l’année, y tiennent allumés très souvent une multitude de cierges dont la fumée a endommagé particulièrement toute la partie basse du tableau, celle où se trouvent la résurrection des corps et la chute des damnés entraînés dans la barque. Il a fallu des prodiges de constance et d’étude pour retrouver tous ces contours obscurcis et perdus dans une ombre qui n’est pas l’effet de la volonté du maître. Nous devons donc savoir un gré infini à M. Sigalon de n’avoir pas désespéré du succès au milieu des difficultés qu’il a dû rencontrer à chaque pas ; ce serait aussi le lieu de remercier le ministre vraiment ami des arts qui a ordonné et suivi ce magnifique travail. Il n’a pas cru que l’argent du peuple fût trop mal employé à une simple copie, laquelle sauvera au moins d’un anéantissement qui semble prochain le souvenir d’un chef d’œuvre.

Michel-Ange est le père de l’art moderne. On peut reprendre et blâmer les bizarreries, les extravagances même dans lesquelles l’imitation de son style a entraîné ceux qui s’en sont inspirés sans posséder une originalité propre ; mais enfin, c’est à lui que s’arrête définitivement ce que j’appellerai l’art gothique, l’art naïf, si l’on veut, mais l’art qui ne se connaît pas et qui entrevoit à peine cette vive lumière qui ne brille qu’à des temps marqués. L’importance que l’on a voulu donner de nos jours à ces essais dans lesquels le génie de l’art se cherchait encore lui-même, a été l’effet d’une réaction louable sans doute contre une autre sécheresse et une autre raideur, celle de l’école française pendant les quarante dernières années, laquelle ramenait l’art à une espèce d’enfance par l’oubli systématique de tous les progrès que les grands maîtres lui avaient fait faire. Si l’on excepte quelques ouvrages d’un très petit nombre d’hommes privilégiés, les monumens de l’art pendant cette époque resteront comme un exemple singulier des aberrations auxquelles peut porter l’intelligence maladroite des meilleurs principes. L’imitation de l’antique, c’est-à-dire de ce qu’il y a de plus noble dans l’invention et de plus simple dans les détails, avait conduit à l’absence entière d’invention et à l’exécution la plus étroite. Aussi les artistes de cette école se sont-ils presque toujours montrés peu sympathiques pour le talent de Michel-ange. Cette force et cette indépendance les subjuguent peut-être malgré eux ; mais comme ce style renverse toutes