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vons cela. Fallait-il, pour mieux nous l’apprendre et nous effrayer, faire d’elle un vampire ? Si l’auteur a prétendu fournir des enseignemens profitables, de quelle étrange façon il les a résumés ! Cloris, qui n’est entrée en religion que par pis-aller, et n’a eu des accès de vertu qu’en désespoir de cause, Cloris assiste à l’horrible agonie des deux débauchés. Vous supposez qu’à cette vue elle va se sentir saisie de dégoût, et qu’elle se félicitera des heureux empêchemens qui l’ont détournée d’une pareille fin. Loin de là. Elle envie le sort de Dafné. Elle se reproche sa jeunesse mal employée et sa dévotion involontaire. Elle a des remords de n’avoir point été pécheresse comme sa sœur.

Ce qu’il y a de plus probable, c’est que M. Arsène Houssaye n’a pas eu d’autre intention que d’écrire deux volumes in-octavo de trois cents pages. Nous n’avons même pas essayé de rapporter toutes les gentillesses érotiques, drolatiques et philosophiques qui abondent dans une Pécheresse. Il suffit de dire que ce roman appartient pleinement au genre soi-disant ironique, qui a produit tant d’autres chefs-d’œuvre oubliés. C’est dommage, le genre ironique n’a pas été prospère. Il se moquait de tout ; tout le monde s’est moqué de lui. M. Arsène Houssaye s’est mis mal à propos et bien tard à la remorque de modèles depuis long-temps bien discrédités. Nous espérons qu’il ne s’obstinera pas follement à faire fausse route à leur suite ; ce serait vouloir malheureusement dépenser tout l’esprit et tout le sentiment poétique qu’il a.


Les deux Mères de M. Pierre Lagache ne sont pas un roman d’une longue haleine ; ce sont deux petits romans auxquels il faut tenir compte de la discrétion qui les a fait se renfermer en un seul volume, puisqu’à tout prendre, ils avaient bien aussi le droit comme les autres de se carrer en deux beaux tomes in-octavo.

Les deux mères que l’auteur a mises en scène ont un sort pareil. Elles meurent l’une et l’autre : la première, pure et irréprochable, ne résiste point à la douleur qu’elle ressent de voir son fils grièvement blessé dans un duel ; la seconde, épouse infidèle, succombe, rongée de remords et désespérée de laisser à sa fille l’exemple d’une irréparable faute.

La préface des deux Mères établit que le double but du romancier doit être d’instruire en amusant. Partant de cette donnée, M. Pierre Lagache s’est efforcé de divertir son lecteur, tout en lui prouvant que le devoir d’une mère est d’être vertueuse, quoi qu’il arrive. Malheureusement il a fait de deux fables bien triviales le texte d’une moralité bien rebattue. Il voulait amuser en instruisant ! S’il avait ennuyé sans instruire !

M. Pierre Lagache témoigne tant de bonnes intentions morales, que nous ne lui reprocherons pas bien durement certaines inconvenances qui tachent çà et là la pureté de ses récits. Cependant, comme cet auteur paraît viser surtout à écrire des romans immaculés qu’on puisse mettre sûrement entre les mains des demoiselles, nous l’engageons, dans l’intérêt de sa chaste ambition, à s’interdire désormais la peinture de personnages semblables à Pauline, cet enfant précoce de dix ans qui surprend au travers d’une cloison tous les coupables secrets de l’alcôve maternelle. Qu’il s’abstienne aussi de poser en fait que les jeunes filles baissent les yeux ou rougissent à l’approche d’un jeune homme de bel air et de belle taille. Qu’à l’avenir ses vieilles marquises ne dardent plus sur les jeunes hommes un regard faux avec un sourire cy-